Veuve éplorée d’un inspecteur de police considéré comme un héros (une affreuse statue est même érigée en son honneur), Yvonne découvre qu’il était en réalité corrompu jusqu’à la moelle. Anéantie et contrariée, elle décide de venir en aide à Antoine, innocent envoyé en prison par la faute de son cher et tendre. Car il s’agit de pouvoir se reconstruire face à un sentiment de trahison qui a tout dévasté, reconstruction pour Yvonne par rapport à son ripou de mari, reconstruction pour Antoine par rapport à ses huit ans de prison qui l’ont transformé en doux dingue imprévisible prêt à prendre sa revanche contre le temps perdu et l’injustice.
Et pour se reconstruire, on construit. On construit des histoires (comme celles que raconte Yvonne à son fils sur son père, chaque soir avant de s’endormir), on ment, on invente, on s’avance masqué (ou cagoulé) et on s’embrasse. Film sur l’imaginaire, l’artifice et l’amour, En liberté ! s’essaie avec virtuosité à différents styles (l’absurde, le comique de répétition, le drame, l’imprévu amoureux…) en dépit de quelques baisses de rythme et plusieurs gags qui tombent à plat. Sans jamais se départir de sa petite musique fantaisiste, de ses dialogues savoureux et de son attachement à des personnages gentiment paumés, Pierre Salvadori évoque également des sujets un rien plus sensibles tels que le deuil, la prison ou la culpabilité.
Il a parié aussi sur Adèle Haenel et Pio Marmaï qui forment un couple allumé et attachant (Audrey Tautou et Damien Bonnard ne sont pas en reste) dans une sorte d’hommage au splastick et dans la lignée de ceux qui jalonnent désormais son cinéma (Marie Trintignant et Guillaume Depardieu, Audrey Tautou et Gad Elmaleh, Catherine Deneuve et Gustave Kervern…). Qu’il les balance à l’eau ou les habille en tenues SM invraisemblables, Salvadori les entraîne dans une suite de péripéties où chacun s’efforcera de faire avec (sa vérité) et sans (ses failles) pour rétablir le cours d’une vie illusoire (Yvonne) ou interrompue (Antoine).