Bon, Albert (je peux t’appeler Albert ? On s’tutoie hein, je sais plus si on s’tutoie ?), c’est pas pour saloper l’ambiance, mais ton film là, c’est quand même un peu une merde, non ? Parce que c’est bien sympa de faire venir les potos, les Gaspar, Jan, Terry et autres Jean, mais faudrait d’abord penser à faire-un-film avant ça, tu comprends. Et puis Gaspar, avec sa moustache à la Village People, il se fait même pas prendre par Jan dans la petite cellule dans laquelle tu les as enfermé, et puis Terry, il semble en pleine crise de tétanie (ah pardon, il jouait ?!?!), et puis Jean, lui, il est trop fort parce que c’est le seul qui arrive à faire rire dans son tout petit coin d’écran, en bas à droite.
Ah oui, une chose importante aussi : arrête d’essayer tous les mouvements possibles et inimaginables avec ta caméra, c’est pas un joujou tu sais. Déjà c’est épuisant visuellement, ensuite c’est moche, et ensuite ça n’apporte rien en terme de narration diégétique opposant le signifiant du décadrage dans son langage continu à la règle euclidienne de l’espace structurel (oui je sais, je suis un peu technique là, mais c’est pour t’expliquer), et puis ça fait jeune étudiant en cinéma chez Besson qui tente d’épater ses profs (Olivier Dahan, Philippe Haïm et James Huth, le rêve…).
À un moment, tout le monde riait dans la salle, sauf moi. J’étais drôlement gêné dis donc, pourtant j’suis bonne pâte, j'suis bout-en-train. Je me suis demandé si ça venait vraiment de moi, s'il y avait pas un truc qui déconnait dans mon cerveau. De peur que ça se remarque et d’être lyncher par la foule hilare qui nous traîne et nous entraîne, j’ai fait semblant de rire. J’ai poussé quelques grognements étranges tout en esquissant un affreux rictus qui, à mon avis, aurait provoqué une panique générale dans la salle si les lumières avaient été allumées et qu’on m’eût vu, de la sorte.
Tu vas sans doute me dire que je suis vraiment qu’un connard pour être gentiment invité à la projection de ta merde pour ensuite la descendre, la bafouer et la piétiner ainsi, et que j’ai rien compris à la mécanique cartoonesque (datée) de ton machin, à son esprit frondeur (étriqué), et que j’suis un mec pas fun, et en fait t’auras sûrement raison. Moi, c’est juste que ça m’a laissé mais carrément de marbre, ton navet, total détaché tu vois. Bon allez, y’a deux ou trois trucs marrants (entre autres le grand numéro délirant de Nicolas Marié à la barre), mais c’est très chiche. Et tu sais quoi, Albert ? Ton film dure à peine 1h20, pourtant il y a quelque chose de purement fascinant dans cette perte de temps qu’il suscite.
Albert Dupontel sur SEUIL CRITIQUE(S) : Le vilain, Au revoir là-haut, Adieu les cons.