Le casting pour commencer, parce que quand même, parce que plaisant. Mathieu Amalric, Sara Forestier, Denis Podalydès, Maïwenn et surtout Karin Viard dans un impayable numéro de sœur quasi incestueuse. Et tout ce petit monde se retrouve en Suisse pour une partie de Colin-maillard romanesque et meurtrier, plaisante elle aussi. En chasseur aux yeux bandés pas mal à la masse (et somnambule), Marc, professeur de littérature appliquée dans une université de Lausanne. Chasseur de filles, coureur de jupons, dragueur de louloutes, il collectionne (puisque chasseur) les aventures avec étudiantes et demoiselles, demoiselles et étudiantes.
En joueuses allumeuses pas nées de la dernière pluie non plus, celles-ci consentent au badinage (et plus si affinités) en le menant par le bout du nez. Sauf qu’une de ses conquêtes d’un soir "disparaît" un beau matin. La police enquête. Marc ne se souvient plus. Sa sœur le couve, le jalouse, l’oppresse. La belle-mère de la disparue se manifeste. Une étudiante lui fait du rentre-dedans. Il y a des loups dans les alentours et trop de fumée de cigarettes pour y déceler clairement quelque chose. Ça se complique pour Marc… Adaptation plaisante (décidément) d’un roman de Philippe Djian, L’amour est un crime parfait est un faux polar paresseux qui parle surtout d’amour. D’amour ambigu, d’amour contrarié, d’amour fou… Amour vrai avoué en entier, chuchoté et redécouvert dans la jouissance…
Jean-Marie et Arnaud Larrieu concoctent une ambiance ouatée et étrange (musique électrisante de Caravaggio, décors glacés des montagnes helvètes, design incroyable du Rolex Learning Center, épuré et cérébral) faite de matières troubles, d’humour nonchalant et d’échappées presque fantastiques. Et si le scénario, avec ses dialogues très écrits provoquant une sorte de décalage savoureux entre diction prononcée et langage courant, met du temps à s’enclencher (et se clôt par un twist réussi non pas dans sa révélation attendue, mais dans l’émotion qu’il suscite), il déploie ensuite ses armes (fatales) avec une élégante certitude. L’hédonisme et la sensualité des précédents Larrieu ont laissé place ici à une noirceur sourde, au mystère et à un interdit latents, dans l’air ; interdit des passions déréglées convoquant dérive des sentiments et infortune des sens dans lesquels se perd un "satyre" qu’on adore voir ainsi malmené… C’est quoi le mot déjà ? Ah oui : plaisant.
Les frères Larrieu sur SEUIL CRITIQUE(S) : Les derniers jours du monde, 21 nuits avec Pattie, Tralala.