Brett Easton Ellis et le cinéma, ça fait deux. Autant le bonhomme est évidemment doué en littérature (American psycho et Glamorama, les deux mamelles siliconées de la littérature américaine contemporaine), autant il n’a jamais eu de chance quand ses œuvres ont été portées à l’écran. On vomira donc sur Neige sur Beverly Hills, American psycho et The informers, et on sauvera du naufrage Les lois de l’attraction. En attendant, un jour peut-être, les adaptations réussies de Glamorama et Lunar Park… Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi même (paraît-il), Ellis a donc décidé d’écrire, entre deux tweets à la minute, son propre scénario et d’en offrir la mise en scène au revenant Paul Schrader.
Niveau casting, on se croirait dans Moins que zéro : une jeune actrice déjà has been, camée et défigurée par la chirurgie esthétique (Lindsay Lohan, touchante), un acteur porno à succès (James Deen, pitoyable) et quelques wannabes comme ils en pullulent tous les deux mètres à Hollywood (Nolan Gerard Funk, Amanda Brooks et Tenille Houston, insignifiants). Niveau intrigue, Ellis ne s’est pas foulé, ressassant simplement les thèmes fondateurs de ses premiers romans : sexe, drogues et ennui chic à L.A. mâtinés d’un soupçon de parano et de hardcore. Le tout sous l’égide de la mort du septième art annoncée en générique d’ouverture avec des photos de cinémas abandonnés et dévastés pour faire sens. The canyons n’est qu’une succession pénible de scènes à deux mal dialoguées (et mal filmées) censées élaborer une trame autour de jalousies exacerbées et d’un film d’horreur en tournage.
De cette faillite scénaristique, il est alors impossible pour Ellis de faire surgir quoi que ce soit de concret et de profond (manipulations, mise en abîme, réflexions sur un cinéma à l’agonie). Ses personnages sont creux, fades, loin des possibles figures iconiques et fantomatiques qui hantent les boulevards interminables de la cité des anges, de Boulevard du crépuscule au Dahlia noir en passant par Mulholland Drive. Entre un ersatz de Patrick Bateman, une bimbo fatiguée et un bellâtre inexpressif, The canyons n’arrive jamais à élever ses intentions au-delà d’une satire molle et impotente. Ellis avait livré, après le magnifique Lunar Park, un Suite(s) impériale(s) décevant, et ce Canyons daté et cheap ne va certainement pas raviver son image de provocateur talentueux.