Ça devient compliqué la saga des X-Men là, compliqué, et un débriefing s’impose. Donc au commencement du début où il n’y avait absolument rien sur Terre à part Stan Lee et des diplodocus, il y a eu trois films inégaux dont on se souvient à peine, ensuite un épisode à part sur Wolverine en forme de prologue moisi aux trois premiers films, ensuite un prequel honorable sur l’origine des X-Men, puis un autre Wolverine lamentable se déroulant après les trois premiers films sus-cités, puis aujourd’hui un nouvel opus situé dans le futur, mais revenant dans le passé (1973, Nixon, Cloclo et tout ça…) avec un Wolverine en mode Terminator et chaînon temporel, histoire de faire bosser tout le monde sur le coup, des acteurs des premiers X-Men (réduits ici à de la figuration) aux nouveaux venus du prequel. Voilà. C’est assez clair ?
Bryan Singer, abonné désormais aux navets (Superman returns, Jack le chasseur de géants) et aux soirées partouze d’Hollywood, s’en sort ici plutôt bien en dépit d’une mise en scène impersonnelle broyée, c’est vrai, sous un cahier des charges de plusieurs tonnes : faire avec une 3D inévitable, faire avec un scénario simplet, faire avec beaucoup d’effets numériques, et se fader la fadasse Jennifer Lawrence (clairement mise en avant depuis son Oscar et son succès dans Hunger games) et l’insignifiant Omar Sy (qui, au maximum, doit grommeler trois ou quatre mots sur l’ensemble de sa prestation). L’équation passé/futur, pas vraiment exploitée (peur de perdre le spectateur, donc du dollar ?), révèle les faiblesses d’une intrigue linéaire et quelconque (éternelle lutte entre humains et mutants sur fond de dérives génocidaires, inspirée pourtant du classique de Chris Claremont et John Byrne) malgré les délires chrono-labyrinthiques qu’elle pouvait se permettre.
Ça chipote, ça chipote, n’empêche qu’on ne s’ennuie pas une seconde. Le film, plus bavard que bourrin, fait la part belle aux acteurs (le duo James McAvoy et Michael Fassbender fonctionne toujours aussi bien, et Peter Dinklage, échappé de Game of thrones, parvient à donner consistance à un personnage mal écrit et mal mis en valeur) et à un spectacle de qualité : l’introduction dans le futur avec la bataille, splendide, contre les Sentinelles, l’évasion de Magnéto du Pentagone avec Vif-Argent en vedette incontestable (la meilleure séquence du film), le final haletant autour de la Maison Blanche… Singer et ses scénaristes relancent la franchise avec un panache certain (et nécessaire), prête maintenant pour de nouvelles aventures prévues en 2016 qu’on espère, quand même, un chouïa plus ambitieuses.