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Black coal

Black coal, c’est d’abord des impressions, des instants fournis et somptueux. Patiner un soir d’hiver en Mandchourie au son du Beau Danube bleu qui résonne dans les haut-parleurs, et la neige tombant autour en légers flocons. Des feux d’artifice en plein jour dans le ciel que l’on contemple, les yeux grands ouverts. Se fondre dans un dancing et valser sous les néons rouges, et traquant un tueur qui nous traque. Il faut se rappeler aussi. Il y avait eu un meurtre en 1999, des bouts de macchabée retrouvés ici et là, à des centaines de kilomètres d’écart, et puis deux autres meurtres en 2004, mais Zhang avait abandonné l’affaire parce qu’il avait été blessé, une nuit dans un salon de coiffure.

Il faut se rappeler du son mélancolique et sourd des machines à laver, et la vapeur des fers à repasser, et les paysages gelés et le noir du charbon, et dans ce pressing désuet au coin d’une rue, Zhang avais rencontré cette femme, impassible et tête à claques. Cette femme dont le mari est mort, en morceaux, en 1999. Et qui semble impliquée dans les deux meurtres de 2004. Se rappeler et se perdre. Ne plus comprendre. Black coal, c’est comme des mots en l’air, jetés, et qui retombent n’importe comment : alambiqué, compliqué, coloré, bigarré, escamotages, ellipses, ruptures, syncopes, largué, contrarié. Et puis faire avec.

On voudrait chercher à comprendre. Dans la beauté de la mise en scène et de ces teintes primaires engageantes, on cherche à comprendre. On abandonne parfois, on s’indiffère. On s’attache à Zhang, ex-flic alcolo qui mène l’enquête en mobylette dans un Harbin fantomatique (l’une des villes les plus polluées de Chine), drôle, pathétique et touchant quand il se trémousse sur une affreuse pop dance chinoise qui donne mal à la tête. Constat social et polar torturé, poésie foutraque et love story contrariée, Black coal est une espèce de cadavre exquis ahuri (d’un bras coupé à une femme mystérieuse à des patins à glace à un blouson oublié…), mélange volatil et nébuleux qui laisse interloqué dans son fauteuil, moelleux.


Diao Yinan sur SEUIL CRITIQUE(S) : Le lac aux oies sauvages.

Black coal
Tag(s) : #Cinéma asiatique

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