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The rover

Au début, on lit "Australie. Cinq ans après la chute", et on n’en saura guère plus. Une bombe, un virus, une épidémie ? Une guerre peut-être ? Seule certitude : l’humanité est revenue au basique, au primaire, genre âge de pierre et chacun pour soi. Des bêtes, partout. On croise bien quelques militaires qui semblent devoir mettre ordre et discipline dans tout ça, mais ils ont l’air cons et stupides et leur vie ne vaut pas plus que celle d’un clébard ou d’un flingue. Plus d’empathie, plus de lois, plus de pitié. C’est l’Australie, cinq ans après la chute, et est-ce le monde aussi ? Est-ce le monde en entier réduit à ce tumulte, à un vieux souvenir ?

Avec un petit morceau de scénario de rien du tout (un type veut récupérer sa voiture qu’on lui a volé), David Michôd voit grand, très grand. Un western moderne ? Un thriller apocalyptique ? Un trip nihiliste ? Les trois à la fois, et plus que ça. Un truc lent, crade et poussiéreux, avec des bouts de cervelle dedans et des chairs en vrille, qui virevoltent. Et des décors gigantesques avec des routes qui n’en finissent pas, saloperies de routes et de trains longs comme des routes qui n’en finissent pas, et des horizons trop grands et des couchers de soleil trop beaux et des silhouettes trop hagardes. Michôd fabrique du pur cinéma qui éjecte psychologie, bavardages et chichis. Tant pis pour les revêches, tant pis pour les tièdes.

Un cinéma de gueules, de vauriens, de tripes. Du pur cinéma d’ambiance, maîtrisé et chaud, soutenu par une bande-son syncopée et palpitante (on dirait qu’Antony Partos à écouter du Jonny Greenwood en boucle). Michôd évoque un futur desséché et rude qui ne va pas tarder à nous cueillir, à l’aube, après une dernière nuit de pluies. Après ce sera barbare et ravages, sols craquelés, misère et crise, montrer les dents. Il en parle sans jamais théoriser, sans chercher la prose. Essentiel et direct. Un futur sauvage et solitaire où l’autre, cet enfer, est devenu un prédateur, un pouilleux. Où il n’y a plus grand-chose à attendre, plus rien à espérer et que dalle à croire. Repartir, les yeux mouillés. Brûler des cadavres et enterrer son chien. Juste ça.

Anti-héros en figure de proue, un homme, un renégat, pas bavard, un black hole. C’est qui ce mec ? Il dit qu’il a tué sa femme et son amant quand il l’a vu lui mettre un doigt. Il dit qu’il avait une ferme, qu’il était agriculteur. Il dit que c’est déjà fini pour lui, depuis longtemps, et on le croit quand on le voit tuer en quelques secondes, tranquille. Et on le découvre, une nuit, regarder des chiens en cage, presque triste, attendri ? L’homme nouveau, c’est lui, qui avance, qui roule, qui bute. Adaptable et impitoyable, croyant dans les faibles, âmes endolories, fous et simples d’esprit, les seuls à comprendre ce monde où Dieu n’existe plus et qui gît à nos pieds, cogné trop fort.


David Michôd sur SEUIL CRITIQUE(S) : Animal kingdom.

The rover
Tag(s) : #Films, #Cannes 2014

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