La flippe. Léa Fazer qui rend hommage à Éric Rohmer, ça fait flipper. C’est comme si Danny Boon faisait un film sur Satyajit Ray avec Kad Merad, trois tonnes de fond de teint et du poulet au curry. Léa Fazer, c’est quand même, entre autres, Cookie et Ensemble c’est trop, genre deux belles fientes produites par on ne sait quels miracles financiers. Révérence à Rohmer donc, et à Jocelyn Quivrin aussi dont le scénario s’inspire de sa collaboration avec le maître parce que oui, on oublie que Quivrin a joué dans le dernier Rohmer (Les amours d’Astrée et de Céladon) comme on oublie que Valérie Mairesse a tourné dans le dernier Tarkovski ou Sim dans le dernier Fellini. Ça calme.
Quivrin, grand admirateur de Rohmer (rebaptisé Cédric Rovère pour l’occasion, et incarné avec malice par un Michael Lonsdale savoureux), avait réussi à décrocher le rôle de Lycidias dans cette adaptation du roman érotico-champêtre d’Honoré d’Urfé. Décontenancé et marqué par un tournage à l’ancienne et à l’économie ("Ça a été encore mieux que ce que je pouvais espérer. Intelligence, humilité… Sur le plateau, il y avait huit techniciens à tout casser, on tournait pourtant à deux caméras, tout en lumière naturelle…"), Quivrin avait voulu faire de cette expérience unique un film qu’il aurait réalisé et interprété (avant que le destin, funeste, n’en décide autrement).
Fazer, grande copine de Quivrin, concrétise le projet en remaniant et scénarisant le concept de départ. Quirvin devient Henri (Pio Marmaï, énergique et touchant), jeune acteur courant le cachet qui se retrouve engagé sur le film d’un monstre sacré du cinéma d’art et d’essai, davantage porté sur l’amour du verbe et la scansion des mots que sur l’absolue représentation des sentiments. La réussite du film tient évidemment dans ces mécaniques du contraire tordantes et immuables (de Bourvil et De Funès à Peter Sellers dans The party en passant par les récents Intouchables et Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) qui voit un chien fou, amateur de Bruce Willis et de ping-pong scotché à une chaise, "apprendre" d’un vieux monsieur ivre de nature et de poésie. Tout une affaire de culture et de filiation. D’envies et de générations.
Maestro est plus convaincant (et plus drôle) quand il s’intéresse au tournage pittoresque du film et à la relation sincère, tendre aussi, entre Henri et Rovère, et l’histoire d’amour contrariée entre Henri et Gloria, si elle séduit au début par sa naïve inconstance (évoquant même la dialectique amoureuse de la plupart des films de Rohmer, du style "Je crois que je suis amoureuse de toi, mais je ne le suis pas tout en l’étant secrètement, mais alors il faudrait ne pas te le montrer, tout en ayant très envie de toi"), finit par parasiter le vrai propos de ce film sympathique et généreux : l’éveil à Mallarmé, à Tchekhov et aux belles lettres, au bon vin et au goût des choses simples.