À peine ressorti vivant d’un immeuble infesté de tueurs et de raclures sanguinaires et voilà qu’on confie une nouvelle mission à ce pauvre Rama qui n’a même pas eu le temps d’aller pisser : démanteler un syndicat du crime en se faisant passer pour une racaille solitaire, via les cases prison et infiltration. Gareth Evans remet ça, deux ans après The raid. Entêté le Gareth. Enragé et décidé à niquer tous les compteurs. Son nouveau joujou sera donc plus ambitieux, plus long, plus cher, plus beau, plus tripant, plus gore. Grisé par ses ardeurs formelles et ses chorégraphies guerrières, Evans a, par défaut, gribouillé une intrigue inintéressante de guerre des gangs dont on se contrefout, en vérité. Nous on veut des torgnoles. On veut de l’ecchymose, du béant. On veut du lourd.
Quinze minutes de film, et déjà une branlée dans les toilettes (pour se battre, toujours pas pour aller pisser). Dix minutes après, un impressionnant corps à corps dans la boue et sous la pluie dans une cour de prison. Ensuite un combat toutes les quinze/vingt minutes en moyenne, entrecoupés de blabla, de poncifs et d’étirements inutiles. En fait, Evans nous ménage, nous bichonne, car tout s’accélère dans la dernière heure avec un déferlement de mandales et de giclées de sang quand Rama décide de tout péter. On finit sur les rotules, harassé, lessivé, à bout de souffle, et on en voudrait encore, et encore, et encore, mais Rama, lui, "n’en peux plus".
Iko Uwais joue comme un manche (genre Tony Jaa en mode parpaing indonésien), mais se déchaîne dès qu’il faut serrer les poings et lever la jambe (en même temps, il est pas artiste martial pour rien, le mec). Evans, ayant abandonné tout espoir dans son scénario bidon, met donc le paquet dans ses bastons. Des bastons partout, dans les chiottes, dans un métro, dans une cuisine, dans des voitures… Des bastons fluides, souvent filmées en mini plan-séquence, des bastons déployées et rythmiques, jamais charcutées par un montage convulsif qui gênerait leur entière lisibilité.
En haut du podium, du bronze pour celle dans le couloir contre le type à la batte de baseball et la fille aux marteaux (toujours se méfier des filles avec des marteaux dans les couloirs ou dans le métro), de l’argent pour celle combinée avec une incroyable poursuite en voitures, et enfin médaille d’or pour celle dans la cuisine, hallucinante, qui démarre tout doux gentil (et même avec respect entre Rama et son adversaire, coriace) pour finir en un long tango sauvage et régressif de beignes, de tartes, de chairs sectionnées, de whhhâââ, de wôôô et de yâââhhh. C’est de la castagne grand art, du plaisir purement primal. C’est bêta, mais c’est dingo.
Gareth Evans sur SEUIL CRITIQUE(S) : The raid.