Je me l’étais promis à l’époque de Gravity : arrêter d’aller voir des merdes quand je sais d’avance qu’elles en seront, des merdes (Godzilla m’a bien eu, Godzilla m’a tuer). Mais je suis faible, je suis servile. Je suis une loque. Et puis pour Transformers, c’est plus compliqué. Mon amour étrange, inexplicable même (vague traumatisme d'enfance ?), pour les robots transformables et, dans une certaine mesure, pour le cinéma de Michael Bay, me force à me rendre dans une salle obscure comme un zombie avec mon seau de pop corn au moignon et un cerveau en mode bouillie qui aurait tout oublié d’Alexandre Sokourov, de Béla Tarr, de l’art en général et d’une haute exigence de moi-même.
La perspective d’un renouveau attendu ("Les règles ont changé" en baseline frimeuse, Shia LaBeouf out, à poil désormais chez Von Trier, et des scénarios nigauds moins nigauds) poussait davantage à y croire et à revenir sur mes principes. Sauf que non, rien n’a changé. C’est toujours pareil. La même rengaine de tôles froissées et de destruction massive, de ferraille peinturlurée et d’explosions faramineuses. Et toujours ces stéréotypes à mort, cette psychologie qu’on dirait bloquée au stade anal, ces sentiments archaïques et ces valeurs tellement ringardes (honneur, vertu, courage, grandeur d’âme) qu’elles font rire tout le monde sauf les américains, très à cheval sur leur éthique morale et guerrière.
On dirait que Bay ne sait plus quoi inventer, ne sait plus comment filmer ces foutues machines qui virevoltent, s’empoignent et s’envoient en l’air (il nous refait le coup de la poursuite avec ralenti sur les personnages éjectés / récupérés / sauvés). Qu’il a atteint, en ce qui concerne les Transformers, un point de non retour. Entre des placements produits outranciers en veux-tu en voilà qui confinent au génie marketing (l’enceinte Beats, le bus estampillé Victoria’s secret…), des acteurs en roue libre (Wahlberg grimace, Tucci agace, Grammer cachetonne, Reynor et Peltz font ce qu’ils peuvent), une durée indécente (2h45), du blabla indigeste et de la pyrotechnie badass, Bay s’embête. Bay rabâche. Et le scénar ? Euh… À un moment, il y a tout un bordel avec une histoire de molécule instable, de chevaliers et de… de graine ???
Bay devrait passer à autre chose, clairement, mais au moins n’a-t-il pas perdu la main quand il faut envoyer l’art, le lourd et la manière. La scène sur les câbles est spectaculaire, les voitures sont belles (la Lamborghni Aventador quoi), la baston entre Wahlberg et Welliver épate, et le final à Hong Kong intimide (la séquence avec le vaisseau-aimant est tout simplement époustouflante), mais sans atteindre la puissance apocalyptique de la bataille à Chicago dans le troisième opus. On résume : moins sympathique que le premier, plus réussi que le deuxième et moins efficace que le troisième, ce quatrième épisode témoigne de l’épuisement et des limites de la saga. La monstration impressionne, mais la monstration périclite.
Michael Bay sur SEUIL CRITIQUE(S) : Transformers, Transformers 2, Transformers 3, No pain no gain, Transformers 5, 6 underground.