Personne n’a oublié, personne n’a pu oublier (et personne n’oubliera) L’attaque de la moussaka géante, le nanar irregardable de Panos H. Koutras qui n’a de culte que son titre à coucher dehors. Après deux autres films plus respectables cherchant à se prendre au sérieux (Real life et Strella), Koutras connaît enfin une certaine consécration avec cette relecture joyeuse de L’Odyssée. Deux frères (et un lapin) partent à la recherche de leur père qui les a abandonné alors qu’ils n’étaient que des gamins, voyage forcément initiatique vers l’origine de leurs origines. D’Athènes à Thessalonique, les voilà parcourant la Grèce d’aujourd’hui dont Koutras tire le portrait, peu flatteur.
Une Grèce minée par la crise, l’homophobie et ses milices fascistes encore abonnées aux ratonnades. Entre deux bouffées réalistes à visée sociale sur un pays qui agonise, Koutras se permet onirismes et escapades foutraques. Une pincée d’Araki, un soupçon d’Almodóvar, un peu de kitsch, un peu de queer, un peu de camp, une vieille chanteuse italienne à succès ressortie des cartons (Patty Pravo : La bambola, c’est elle, déjà consacrée dans Respiro) et aujourd'hui complètement botoxée, et hop, c’est parti mon kiki. C’est sûr, ça change d’Angelopoulos, de ses paysages gris et ses impressionnants plans séquences.
C’est sympathique, c’est long (inutilement long), c’est bordélique, c’est coloré et c’est vivant. Xenia a pour lui la fraîcheur enchantée d’un débutant et l’espièglerie contagieuse de ses deux jeunes comédiens, Kostas Nikouli et Nikos Gelia. L’un en jeune gay déluré avec une sucette toujours à la bouche, et l’autre en grand frère plus responsable rêvant de gloriole à la Nouvelle star. Koutras les filme avec amour et gourmandise, parfois avec maladresse, symboles libres, rebelles et bouillonnants, d’une Grèce qui aurait enfin abandonné haine et Aube dorée en revenant à cette "hospitalité" (xenia) d’avant, mythologique presque : accueillir l’autre, le paria, cet étranger, cet inconnu, cet exilé, avec respect et bienveillance.