Ça t’est arrivé quand la dernière fois, ce truc ? Ce truc quand tu sors de la salle de ciné et que tu te sens bien après, gonflé à bloc ? Quant tu vois les gens applaudirent et se sourirent, avec les yeux qui pétillent ? Parce que putain, en ces temps de puritanisme croupi et de valeurs rétrogrades où, pour rappel, même la simple affiche d’une actrice prête à embrasser son double gênait quelques culs serrés contrits dans leur inculture et leur refus d’avancée sociale, ça fait carrément du bien de voir un film pareil débordant d’énergie et d’esprit frondeur. Certes, le film de Matthew Warchus n’est pas exempt de défauts (des clichés, des violons, des ficelles), mais il s’en moque et les assume pour célébrer la tolérance (ce vilain mot qui semble, aujourd’hui, un peu vieux jeu, dépassé, voire galvaudé) avec humour, bonne humeur et bonne volonté (situations cocasses, répliques bitch).
C’est comme si Ken Loach rencontrait Russell T. Davies (créateur de la série culte Queer as folk) autour d’une pinte de Guinness, se mariaient puis faisaient un film ensemble. Inspiré de faits réels, Pride relate la rencontre, lors de la grève des mineurs britanniques de 1984 (déjà abordée dans Billy Elliot et Les virtuoses), de mineurs Gallois pas commodes avec une bande d’activistes gay et lesbien de Londres décidée à leur venir en aide en organisant des collectes de fonds. Une telle alliance, impensable à la base, va provoquer davantage qu’étincelles, grimaces en coin et lâchers de paillettes (les droits des homosexuels seront soutenus par l’Union nationale des mineurs au Parlement britannique).
Entre les deux communautés ostracisées par un gouvernement thatchérien implacable, différences et préjugés vont devoir s’abolir pour permettre un engagement politique et humain. C’est à travers le personnage de Joe, jeune homosexuel de vingt ans encore au placard, que va se dérouler le film, Joe qui trouvera, au sein de cette joyeuse clique, une seconde famille dans laquelle s’épanouir puis s’affirmer. Le film s’appuie évidemment sur les disparités des deux "clans" (des hétéros ronchons pas vraiment au fait des questions LGBT vs des folles délurées qui aiment danser sur Bananarama) en n’oubliant jamais son sujet principal et ses à-côtés historiques.
Avec ses personnages hauts en couleurs (qui, pour la plupart, ont réellement existé : Mark Ashton, Siân James, Simon Blake…), ses moments drôles (Dominic West se déhanchant sur Shame shame shame sous le regard interloqué des mineurs, les épouses faisant la tournée des bars gays et des boîtes SM à Londres), plus touchants (Joe embrassant un garçon pour la première fois) ou même plus graves (coming out, apparition du Sida, échec de la grève après un an de conflits, de violences et de privations), Pride parle aussi d’un temps définitivement révolu où libération des mœurs, activisme et militantisme signifiaient encore quelque chose.
Emmené par une bande de comédiens qui s’en donnent à cœur joie, entre vieux briscards (Bill Nighy, Imelda Staunton, Paddy Considine) et jeunes recrues sautillantes (Faye Marsay, Ben Schnetzer, George Mackay, découvert dans le magnifique For those in peril, Joseph Gilgun de la série Misfits), ce film sincère et généreux célèbre la fierté contestataire avec une fougue irrésistible. Au son de quelques standards imparables de l’époque (Boy George, Bronsky Beat, Dead or alive…), tu n’auras même pas besoin d’être un beauf des champs ou une tapette des villes, ex fan des eighties ou Gallois mastoc pour te marrer et te faire plaisir, non. Suffit juste d’être ouvert d’esprit.