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Le cœur battant

Il y a des chèvres partout, et parfois même elles viennent jusque dans la maison. Il y a des vaches, il y a des poules, des chiens et des chats, et puis il y a l’entraînement au tir, le culte des armes, les prières pendant le repas, la messe et les croix en feu dans la nuit. Les garçons jouent aux gros bras, font du rodéo, ne parlent que de taureaux (ou de rodéo), et les filles, elles, semblent un peu ailleurs, toujours à l’écart, au travail, à côté… Roberto Minervini s’est immergé au cœur d’une communauté rurale au fin fond du Texas (un Texas rude et éprouvant) en s’intéressant surtout à Sara, jeune fille en fleur au sein d’une famille chrétienne de douze enfants régie par les stricts préceptes de la Bible. Ici on ne va pas à l’école publique, où règnent désordre et tentation. Ici on accouche dans son salon sur une bâche en plastique. Ici on travaille dur et on vit de peu.

Ici ce sont Dieu et Jésus qui ordonnent la vie tous les jours, sous-tendent chaque décision, chaque acte, chaque réjouissance… Pas une seconde Minervini s’accorde à juger ces gens et leur mode de vie, leurs croyances et leur apparente rusticité. D’un point de vue de citadin bobo athée (pour ma part), c’est un peu différent bien sûr, et si la beauté éthérée du film (comme une réminiscence de Virgin suicides) et ses égards pleins d’humilité permettent de ne jamais se conforter dans une vaine arrogance, tout cela paraît d’un autre âge (on pense aux Mormons ou aux Amish), d’une autre galaxie… Des white trash dans toute leur splendeur, côtoyés sans mépris ni railleries. Il se dégage même de ce documentaire "fictionné" une sorte d’harmonie et de plénitude, presque une poésie.

Peu de dialogues et peu de mots (sinon la parole de Dieu, rabâchée, prodiguée sans cesse), une belle lumière du soleil et de ces ciels orageux très bas, une nature comme retrouvée, une émotion à fleur de peau, et les premiers émois amoureux qui viennent contrarier, imperceptiblement, l’ordre établi (Sara commence à éprouver quelques sentiments pour Colby, un jeune cow-boy asthmatique). Des frémissements, des regards, une gêne… Et des craintes aussi sur sa foi, des doutes sur le maintien moral à tenir, un questionnement sur le déroulement et le quotidien de son existence. Simples et délicats atermoiements autour d’une vie en train de se construire, de se transformer le temps d’une adolescence silencieuse, et d’une nouvelle appréhension du monde tout autour.

Le cœur battant
Tag(s) : #Films, #Cannes 2013

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