Ça commence par "Il était une fois", ça commence toujours comme ça d’ailleurs… Il était donc une fois une reine, une princesse et puis deux vieilles sœurs pas belles. Il y a des rois et des princes aussi, et un ogre, et un monstre marin, des jumeaux albinos, une puce géante… Il ne manque rien bien sûr, tout est là, tous les archétypes de la fable, châteaux, palais, labyrinthe, sorcière, magie, métamorphoses, dresseur d’ours et saltimbanques… Tiré du recueil emblématique Pentamerone de Giambattista Basile (qui influença même Charles Perrault et les frères Grimm), le nouveau film de Matteo Garrone se décide à ne garder que trois contes sur les quarante-neuf écrits (introduits par un premier leur servant de cadre) en entremêlant le destin de quatre femmes face à leurs désirs et leurs aspirations (un enfant, un mari, une deuxième jeunesse).
Tale of tales, c’est d’abord un bonheur d’antan, bonheur retrouvé des contes pour enfants, de La belle au bois dormant au Petit chaperon rouge en passant par Cendrillon, racontés ici sans détours : c’est finalement assez noir, parfois sanglant, parfois cru, parfois burlesque, mais toujours intrigant. Si la mise en scène de Garrone manque d’un excès de panache et de singularité (on imagine volontiers, avec beaucoup d’envie, Tarsem Singh ou Peter Greenaway au travail, forcément plus stylé et plus flamboyant que cet aspect-là, un peu carton-pâte), le film sait livrer son lot d’images somptueuses, riches et insolites.
Peter Suschitzky, collaborateur habituel de David Cronenberg depuis Faux-semblants, s’est visiblement inspiré des grands peintres préraphaélites (Evelyn De Morgan, Edward Burne-Jones…) pour magnifier intérieurs fastueux et paysages naturels (forêts, montagnes, campagne). Garrone et ses scénaristes, eux, cherchent à évoquer les travers de notre époque (diktats de la beauté, mariage forcé…) par le prisme de l’ancien (rien n’a changé), mais leur film, tendance euro-pudding, reste finalement assez anecdotique dans le fond : c’est du gros œuvre illustratif truffé d’affreux fondus au noir prompt à ne susciter qu’un petit plaisir de l’instant.
Matteo Garrone sur SEUIL CRITIQUE(S) : Gomorra, Reality, Dogman, Pinocchio, Moi capitaine.