Il y a eu un accident, un accident terrible. La mère d’Elias et de Lukas revient à la maison, le visage blessé et couvert de bandages. Mais les jumeaux s’interrogent et sentent qu’il se passe quelque chose : cette femme sous ces pansements, à nouveau parmi eux, est-elle vraiment leur mère ? Serait-elle une intruse ? Autre chose peut-être ? Un monstre, une entité inconnue qui, la nuit, va s’ébrouer dans la forêt ? Un duel pervers, feutré d’abord, s’engage dans le huis clos d’une villa moderne, arêtes saillantes et intérieurs nus, posée là au milieu de nulle part près d’un lac, d’une forêt et d’un champ de maïs sans personne alentour.
Et puis il y a la mort qui rôde, qui s’insinue. Elle est dans ce charnier souterrain découvert pas très loin de la maison, dans ce cadavre de chat gonflant dans de l’essence, dans ces énormes cafards qui grouillent sur la peau, s’enfoncent dans les bouches… À mi-parcours, la menace (que l’on croyait avérée) change brusquement de camp : il n’est plus question de savoir pourquoi la mère adopte, face aux jumeaux, un comportement étrange et agressif, mais pourquoi ces deux-là s’en prennent ainsi à elle. Le film se transforme alors en une longue séance de torture (c’est fou ce que l’on peut faire avec seulement une loupe, de la glu et du fil dentaire) d’où résonne sans cesse cette obsédante question : où est maman ?
Severin Fiala et Veronica Franz (scénariste entre autres chez Ulrich Seidl sur la trilogie Paradis) ont visiblement cherché à associer la rigueur autrichienne, cette rigueur si chère à Haneke et Seidl, à quelques figures du genre horrifique. Si l’on devine assez rapidement la vraie nature du film (un deuil impossible sur fond de twist poussif) malgré des indices trompeurs, on est soudain saisi par la violence inattendue des jumeaux (Lukas et Elias Schwarz, entre candeur et inquiétante normalité). La mise en scène concise de Fiala et Franz semble s’adapter à l’architecture dépouillé de la maison (vitres, stores, miroirs, surfaces lisses et pleines) dans laquelle l’horreur prend tout à coup ses quartiers, réduisant l’amour maternel à des cris, des plaies et des cendres.
Veronika Franz et Severin Fiala sur SEUIL CRITIQUE(S) : The lodge.