Michel Racine a la grippe. Souffreteux, bougon, misanthrope sans vraiment s’en cacher (même s’il s’appelle Racine, et pas Poquelin), il doit présider un procès à la cour d’assises de Saint-Omer sur un terrible infanticide. Pas folichon tout ça, en plus d’un imminent divorce à gérer. Et puis voilà que parmi les jurés, il reconnaît Ditte, qui l’a reconnu aussi, semble-t-il. Ils s’étaient croisés il y a plusieurs années, il y a six ans, et Michel l’avait aimé quasi en secret. Aujourd’hui ils vont tenter de reprendre contact, de reprendre là où leur histoire s’était arrêtée, de s’aimer peut-être, pour de bon. Voilà donc pour le scénario (couronné à Venise) que Christian Vincent a concocté pour ses retrouvailles avec Fabrice Luchini (couronné à Venise également), vingt cinq ans après La discrète.
Davantage œuvre de procès minutieusement décortiqué (et sachant rester toujours passionnante, filmée avec justesse et précision) que véritable histoire d’amour en mode violons et saillies romantiques, L’hermine sait prendre son temps, écoute, observe, décrit, distille, déroute même, et offre une histoire d’amour en pointillés, non dite, non déclamée, ou plutôt le (re)commencement de quelque chose de possible, ce possible quand Michel tomba amoureux de Ditte et le lui avait écrit, sans réponse de sa part. Vincent ne filme pas une passion naissante, il filme une flamme renaissante. Vacillante. Et un homme qui redécouvre le goût de la vie, doucement, à coups de médocs et de cœur qui s’emballe.
On regrettera éventuellement la place trop importante faite au procès (qui, en étant mauvaise langue, ressemblerait presque à un épisode de Tribunal, cette affreuse série judiciaire de TF1 du début des années 90) au détriment de la relation entre Ditte et Michel, et ce manque de fièvre, d’emportement et d’intimité qu’on aurait voulu un peu plus marqués. Mais c’est aussi la force du film de ne jamais tomber dans la facilité des sentiments, et de privilégier d’abord la vulnérabilité et les incertitudes de cet homme et cette femme qui, de regards en rendez-vous autour d’un verre, loin de la violence du procès, réapprennent à se connaître, à se sourire, à se regarder droit dans les yeux.
Le couple formé par Sidse Babett Knudsen et Luchini est évident, superbe, superbe parce qu’elle est resplendissante et d’une classe folle, d’un charme fou, superbe parce qu’il est sobre et tranquille, très touchant. On pouvait craindre d’ailleurs que L’hermine soit avant tout un festival Luchini, en verve et en éclats, mais Vincent sait lui proposer une partition plus minimale, plus rentrée, et puis amusante parfois, un brin masochiste (la scène, très drôle, où Michel commence à réciter le poème d’Antoine Pol Les passantes à la fille de Ditte qui préfère s’occuper de son portable), sans bien sûr aller jusqu’à la férocité de Rien sur Robert où Luchini s’en prenait plein la gueule. Ici il y va en douceur, troublé, mesuré, impassible. Le discret, en somme.