Petits arrangements entre amis : puisque Shim Sung-bo coécrivit, à l’époque, le magnifique et mémorable Memories of murder de Bong Joon-ho, celui-ci, en retour, a coécrit (et produit) le Sea fog de son pote Shim Sung-bo (qui, bizarrement, lui ressemble comme deux gouttes d’eaux). La ressemblance ne s’arrête pas là d’ailleurs, allant jusqu’à s’immiscer dans les enjeux et les figures du film : mélange des genres, ou plutôt progression dans le genre et la violence (et puis un peu de Grand-Guignol au passage), personnages en mode pieds nickelés, vindicatifs et vociférants, tableau d’une humanité en pleine déroute, à la marge d’un système oppressif et/ou déliquescent.
Progression donc : d’abord chronique sociale (le commandant d’un chalutier endetté tente de résister à la crise et à la vente de son bateau, acceptant de transporter illégalement des migrants sino-coréens), Sea fog vire au récit d’aventure, puis au drame humain en milieu brumeux (c’est la brume évoquée dans le titre, celle qui escamote la mort et annonce la bascule «éthique» du film), puis enfin à une espèce de survival maritime et déjanté. Ces ruptures de ton finissent par s’enchaîner un peu trop mécaniquement (toutes les demi-heures environ), comme une épuisante gigue scénaristique qui saperait tension et empathie à force de vouloir marquer le(s) coup(s).
Sea fog parle avant tout de régression des instincts et des actes face à la perte de repères moraux, et de folie soudaine poussée jusqu’à une forme de lyrisme comico-absurde. Le film est lent à se mettre en place et en action même si, paradoxalement, cette attente contribue à amplifier l’intensité dramatique et émotionnelle des événements futurs. Sur un rythme inégal, entre fond de cale et salle des machines, les personnages sont peu à peu réduits à des stéréotypes, des blocs lourds (le capitaine devenant un Achab psychopathe, le couple amoureux unis dans l’adversité, l’obsédé sexuel, le fou…), participant de fait à l’excès, quasi cartoonesque, de cette vision d’un monde désespérément globalisé.