Une corde, ils ont besoin d’une corde. D’une corde pour remonter un corps placé volontairement au fond d’un puits et qui risque de contaminer ce seul point d’eau encore accessible pour des centaines de villageois alentour. Voilà la sale besogne dont doivent s’occuper quatre humanitaires en temps de fin de guerre, "quelque part dans les Balkans" en 1995. Et trouver une corde quelque part dans les Balkans en temps de fin de guerre, c’est quasiment mission impossible, c’est de l’ordre du Graal. D’autochtones récalcitrants au chien méchant, de vaches piégées à l’impuissance des Casques Bleus et de l’ONU, Mambrú, B., Sophie et Damir ont la tâche bien ardue, la tâche très complexe.
Fernando León de Aranoa, rompu au travail humanitaire grâce à un documentaire qu’il réalisa dans le nord de l’Ouganda avec des membres de Médecins sans frontières, met en scène les grandes manœuvres et les petits tracas de la chose avec humour et gravité sans jamais céder à un cynisme ou un misérabilisme insistants. Au contraire, A perfect day montre que le rire peut être salvateur, et même nécessaire, quand il est là pour soulager, établir une distance entre soi et l’horreur (avant de devoir y retourner), et démonte les travers, les absurdités d’une autorité administrative (et d’accords de paix plus contraignants que pratiques) échappant sans cesse aux réalités du terrain où le bon sens est plutôt à oublier (voire à proscrire).
Le film s’intéresse aussi à ces femmes et à ces hommes qui, chaque jour, donnent de leur temps, usent de leur énergie pour tenter d’apporter un peu d’aide et de réconfort à des populations affamées et violentées, décimées. Entre ego philanthropique et inconscience butée, de Aranoa questionne le sens premier de la cause humanitaire : qu’est-ce qu’on y gagne, qu’est-ce qu’on y laisse, à quoi sert-on vraiment ? Dommage pourtant qu’une banale histoire de cœur (et de cul), quasi inutile, vienne gêner les attentes et la vraie finalité du film. Avec son casting accrocheur et tout mélangé (Benicio Del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry, Fedja Stukan…), A perfect day sait nous embarquer loin sur des routes sinueuses qui n’en finissent pas, dans une sorte d’odyssée tragi-comique et terriblement humaine.