Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Quand on a 17 ans

Le rapprochement ne surprend pas, il serait presque d’une logique redoutable. Sous l’impulsion de Céline Sciamma, André Téchiné semble retrouver aujourd’hui une certaine vigueur, un regain certain. L’ancien maître et la jeune pousse du cinéma français ont écrit ensemble cette histoire de deux adolescents qui se rejettent (beaucoup) et se cognent (énormément), manières pour eux d’exprimer, de confronter un amour naissant qui les intimide et les affole. Sciamma, qui s’est déjà frottée aux affres adolescentes (Naissance des pieuvres et Bande de filles), continue à les explorer sous le prisme de l’homosexualité masculine, thème cher à Téchiné qui, souvent, a nourri sa filmographie (J’embrasse pas, Les roseaux sauvages, Les témoins…).

Avec ses faux airs de Beautiful thing à la française, Quand on a 17 ans saisit la maladresse des premiers sentiments, la peur des premières étreintes et des premiers baisers, plus vive encore parce qu’ils vont à l’encontre de ceux d’une société qui les accepte mal (puisque homosexuels), voire les rejette, même si, ici, tout semble aller de soi, accepté, bienveillant et sans préjugés. Il magnifie aussi la tension amoureuse (et même érotique) qui sert à son rythme et ses enjeux, tension dans les attitudes, dans les gestes et les regards qu’incarnent fièrement Kacey Mottet-Klein (sosie de loin de Jamie Bell) et Corentin Fila, jolies découvertes dont Téchiné a toujours eu le secret (qu’on se souvienne de Manuel Blanc, Gaël Morel, Stéphane Rideau, Alexis Loret ou Gaspard Ulliel).

Dommage pourtant que les à-côtés du scénario qui, certes, servent à son évolution et sa construction, soient si encombrants, parfois maladroits ou pas loin d’être inutiles (l’événement dramatique qui survient aux deux-tiers du film ne touche pas, paraît artificiel, et même déplacé), desservant l’histoire entre Damien et Thomas qui, a priori, se suffisait à elle-même. Scénario qui s’alourdit en détails (la vie à la ferme, l’adoption de Thomas, l’armée, la médecine de campagne…), veut s’ancrer absolument dans une réalité en voulant dire trop de choses, montrer trop de petits riens alors qu’il eût été, sans doute, plus opportun (nécessaire ?) de recentrer le film sur ce désir latent entre deux garçons sans avoir à tout signifier autour d’eux.

Toute la beauté, toute l’intensité des rapports conflictuels et amoureux du début se délitent au fur et à mesure pour dévier vers quelque chose de plus fadasse, de plus convenu ; tant pis alors pour le film parfait, le film ravissant, et tant pis pour les bravos Au gré de l’hiver et de l’été, au milieu d'une nature robuste que Téchiné capte avec ravissement, Damien et Thomas tentent de s’aimer au-delà de leurs appréhensions, se cherchent, se manquent, se volent dans les plumes, expriment cette jeunesse en émoi que Rimbaud mis un jour en poème, écrivant qu’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans et qu’"on divague ; on se sent aux lèvres un baiser qui palpite là, comme une petite bête".


André Téchiné sur SEUIL CRITIQUE(S) : L'adieu à la nuit.

Tag(s) : #Films

Partager cet article

Repost0