Comment tout a commencé ? Comment Veniamin en est arrivé là, qu’a-t-il pu se passer ? On ne saura pas. Quelques raisons éventuelles, des pistes et des bribes, mais rien de vraiment concret ; provocation peut-être, crise mystique ou mauvaise influence… Le disciple débute à peine que, déjà, Veniamin semble acquis à sa propre cause. En refusant de situer et d’expliciter les origines de son radicalisme, et préférant, de fait, se concentrer sur les conséquences de celui-ci, Kirill Serebrennikov cherche à évoquer d’abord les dérives d’un extrémisme religieux poussés ici jusqu’à un paroxysme absurde. Et jusqu’au drame.
En imposant sa logique dogmatique aux adultes (principalement ceux de son lycée, et même sa mère) retranchés derrière une espèce de résignation arrangeante et malhabile, Veniamin (Petr Skvortso, habité) parvient à faire interdire le bikini pour les filles lors des entraînements à la piscine, à remettre en cause la théorie de l’évolution, à rejeter l’homosexualité, le judaïsme et ces prêtres troquant leur foi au confort de l’Église. Face à cette expression partiale de la Bible rejetant tolérance, pardon et amour du prochain, une enseignante de sciences naturelles s’opposera, seule, à cette nouvelle figure du conservatisme en confrontant Venianim à ses mensonges, à sa rhétorique en creux et ses propres contradictions quand il entend appliquer, strictement, les Saintes Écritures.
Entre la démonstration et la farce, Serebrennikov y va parfois lourdement (les références des versets de la Bible, cités en permanence par Veniamin, s’inscrivent à l’écran à chacune de leur utilisation). Il use (et abuse) de plans-séquences rigoureux (mais parce que se considérant comme "paresseux", s’est-il confié dans le dossier de presse) qui transforment son film en une suite de gros blocs séquentiels, un peu lassante à la longue dans sa répétition et son prosaïsme. Fort mais bancal, Le disciple est l’histoire d’un dialogue impossible (ou d’un monologue exalté) qui dit cet obscurantisme fécond opposé au savoir et à l’éducation, et terrifiant aussi dans son inexorable repli sur soi.
Kirill Serebrennikov sur SEUIL CRITIQUE(S) : La fièvre de Petrov, La femme de Tchaïkovski.