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Une femme douce

Pour un simple retour de colis, ce colis qu’elle avait envoyé à son mari en prison et qui, inexplicablement, lui a été refusé, une femme s’entête, une femme s’acharne, tient à livrer elle-même ce colis et, surtout, à comprendre pourquoi il n’a pas été accepté et pourquoi elle ne peut plus voir son mari (est-il mort ? A-t-il été transféré ?). De cette obstination va naître une quête dérisoire au cœur d’une Russie à l’abandon faite de trognes et de misère, gorgée de chants et de vodka. Un voyage en "absurdie" propice à sonder la déliquescence d’une nation où ne subsisteraient plus qu’employées revêches, policiers corrompus, mafieux et prostituées. Et puis des gens, au milieu, blafards et las.

Entre Kafka et Dostoïevski, dont il adapte très librement la nouvelle La douce, Sergeï Loznitsa trimballe sa brave zhenshchina, quasi mutique, dans de larges blocs de plans-séquences tristounets où rien ni personne ne semble trouver grâce à ses yeux, épargnant à peine une représentante des droits de l’homme qui résumera, à elle seule, son point de vue et ses intentions : "Je ne comprends pas ce peuple". Un peuple bagarreur mais résigné, pittoresque mais vil, patriote mais teigneux. À travers cette femme qui, sans broncher, endure refus et vexations tel un Candide, tel un Virgile en terres slaves dévastées, Loznitsa charge un pays dont le quotidien et la réalité s’apparentent à un long cauchemar embourbé, et où toutes volontés de révolte relèveraient du désir impossible, d’un temps révolu.

Une séquence onirique, contrastant avec l’aspect un rien naturaliste du film, vient d’ailleurs conclure la satire en raillant une dernière fois, lors d’un banquet interminable aux allures de bouffonnerie propagandiste, la gloire et les mérites d’un système pourtant déficient. Formaliste et sec, démonstratif parfois, Loznitsa (qui est ukrainien) offre la vision contemporaine d’une Russie à la dérive (sociale, politique, administrative…), vision qui, de films en films (chez Andreï Zviaguintsev, Anguelina Nikonova ou Yury Bykov…), et ce depuis des années (depuis Poutine ?), semble ne pas avoir évolué d’un iota, d’où sans doute ce sentiment de redite et d’ennui prégnant, et d’une excessivité qui finit par ne plus convaincre.


Sergeï Loznitsa sur SEUIL CRITIQUE(S) : Dans la brume.

Une femme douce
Tag(s) : #Films, #Cannes 2017

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