Un écrivain avachi chantre de l’autofiction, sa femme parlementaire débordée par son boulot, un éditeur un rien hautain et sa femme actrice dans une série télévisée qu’elle ne supporte plus : voilà le quatuor imaginé par Olivier Assayas pour son nouveau film qui, première, s’essaie à la comédie intello et bavarde. Très rohmérien, allenien en diable, mais sans jamais en retrouver la finesse (de l’un) ni la verve (de l’autre), Doubles vies déroule un programme des plus quelconques (tromperies + coucheries + traits d’esprit) en opposant constamment vérités et certitudes, réalité et fiction, ancien et moderne. C’est que ces quatre olibrius sont aux prises avec l’évolution de leur travail (pratique comme personnelle) et leur environnement (social comme sentimental), cherchant à comprendre, à trouver le meilleur moyen pour avancer dans un monde qui mute (ou qui donne l’impression de stagner).
Les dialogues, vifs et omniprésents, naviguent trop souvent entre poncifs et sentences, babillages et rhétorique de salon dès qu’il s’agit de débattre de politique, de l’ère du numérique, de la dématérialisation, des réseaux sociaux et du milieu de l’édition (le film brasse trop de sujets dans l’air du temps qu’ils survolent plus qu’il n’approfondit). Tout ça autour de tables basses dans des appartements cossus, de quiches aux poireaux et de grands verres de vin. Et quand les différents protagonistes ne dissertent pas sur les limites étriquées de leur microcosme respectif en pleine transition, ils marivaudent, se trompent entre eux, s’interrogent, se lamentent et soupirent.
Heureusement les acteurs s’en donnent à cœur joie dans ces rôles peu sympathiques mais bizarrement attachants, comme s’ils avaient compris qu’incarner de telles têtes à claques (et, finalement, de tels clichés) nécessitait du deuxième degré et un certain sens du détachement. Assayas aussi semble avoir compris qu’entre conversations verbeuses parfois piquantes, parfois lourdingues, et mise en scène insignifiante, il se devait de mettre en avant le seul véritable atout de son film (ses acteurs donc) qui conjugue légèreté, monotonie et, comme ne cessent de le rabâcher les personnages, "transparence".
Olivier Assayas sur SEUIL CRITIQUE(S) : Après mai, Sils Maria, Personal shopper.