L’État libre est l’une des neuf provinces d’Afrique du Sud, faite de hautes plaines immenses, de fermes et d’églises, emprunte d’une forte ruralité et d’une dévotion très conservatrice. C’est là que vit une communauté d’Afrikaners isolée et protestante qui, sans relâche et avec rudesse, travaille la terre et élève le bétail au fil des générations. Janno, seul garçon et aîné d’une de ces familles d’Afrikaners, paraît étouffer dans cette vie recluse sur elle-même, partagée entre labeur, prières et codes d’une société patriarcale. Alors comment exister, comment s’affirmer à travers eux ? Comment vivre ce désir qui soudain se révèle pour ce garçon croisé souvent ?
Et puis que penser de Pieter, jeune toxicomane que la mère de Janno a décidé d’accueillir au sein de leur foyer, et qu’il doit accepter comme un frère sans rechigner, sans poser de questions ? C’est l’arrivée de celui-ci qui, chez Janno, va remettre en question sa place au cœur de la cellule familiale et de la collectivité, et jusqu’à la certitude de son identité. Etienne Kallos s’inspire autant de Malick (la nature, la lumière, les moissons de la terre…) que de Bergman (la religion, le sexe, les silences et les non-dits) dans le formalisme et les thèmes développés par son film. Mais le réalisateur, comme emporté par un excès de confiance, croit bon de surcharger son scénario d’axes narratifs. Chronique d’une émancipation, étude sociologique, drame familial, éveil aux sentiments et à la sexualité, tragédie biblique (les deux frères ennemis, l’apocalypse finale parmi les flammes…), on ne sait plus vraiment où donner de la tête.
Les récits s’éparpillent, s’empêtrent d’enjeux et de propos, d’un réalisme à tout prix et de métaphores flagrantes. Le rythme en devient irrégulier, et finalement (très) ennuyeux. Les personnages, eux, transmettent peu d’émotions et de fièvre face à leurs questionnements intérieurs, tels des blocs taillés dans quelques figures imposées (la mère fervente et bigote, le père dur et taiseux, le fils réservé et tiraillé, l’inconnu à la Théorème…). Kallos aurait dû resserrer les fils de son intrigue, se concentrer davantage sur les tensions et les liens troubles entre Janno et Pieter, et c’est dommage parce que sa mise en scène est maîtrisée, inspirée parfois, mais ses Moissonneurs ne laissent au final qu’une impression d’échec, et même de gâchis.