D’un côté il y a Mélanie, la trentaine monotone, chercheuse en immunologie cancéreuse. De l’autre (enfin juste à côté, dans l’immeuble collé au sien), il y a Rémy, la trentaine lui aussi, provincial débarqué à Paris qui enchaîne les boulots pas spécialement glorieux. Tous les deux ne se connaissent pas, tous les deux sont seuls, subissent l’anonymat et la cohue des grandes villes, le stress quotidien (métro, boulot, dodo) et le désenchantement amoureux. Tous les deux vivent en face les rails de la gare du Nord, devant des trains qui passent, qui s’en vont, qui reviennent, qui font du bruit, qui s’échappent au loin. Après New York (Casse-tête chinois) et la Bourgogne (Ce qui nous lie), Cédric Klapisch revient à Paname mettre en scène de nouveaux trentenaires en décalage avec l’air du temps, à côté de leurs pompes.
Deux moi n’est pas vraiment cette critique d’un monde ultra-connecté et du despotisme des réseaux sociaux tel qu’on a pu l’entendre ici et là, mais plutôt, comme dans Chacun cherche son chat à l’époque, une tranche de solitude urbaine oscillant entre petite déprime et désert sentimental. À l’instar de Chloé il y a vingt ans, Mélanie et Rémy se cherchent à travers un lien social à retisser, éventuellement chez l’épicier du coin (qui joue les bons samaritains malgré lui) ou à un cours de danse en bas de chez soi. Ou des séances chez le psy pour tenter de comprendre un mal-être qui, insidieusement, empêche au bonheur et à la confiance en soi. C’est d’ailleurs sur ce point que le film se prend les pieds dans le tapis, offrant une dernière partie balourde dans ses révélations et ses résolutions de traumas psychologiques clichetonneux.
C’est dommage parce que le film préférait alors avancer par petites touches, par petits riens, par légèreté même dans la gravité, sans réellement suivre d’intrigue établie sinon observer les parcours parallèles d’une femme et d’un homme qui finiront sans doute (c’est là tout l’enjeu, tout le "suspens" du film) par se croiser. Et parce qu’Ana Girardot est lumineuse même dans un rôle de nana un peu larguée qui n’arrive pas à se remettre d’une rupture amoureuse (au contraire de François Civil qui, ici, avec une tête de béat gnangnan qui donne l’impression de découvrir la vie, est très souvent agaçant). C’est gentil tout plein et sans conséquences, mais on a connu Klapisch plus inspiré et plus (im)pertinent dans son regard sur une génération qui rêve et se construit comme elle peut.
Cédric Klapisch sur SEUIL CRITIQUE(S) : Casse-tête chinois, Ce qui nous lie.