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Et puis nous danserons

C’est quand il a vu les violentes images de la Gay Pride à Tbilissi (Géorgie) en 2013, où une cinquantaine de jeunes défilant courageusement pour leurs droits a été attaquée par une foule chauffée à blanc par l’église orthodoxe, que Levan Akin a ressenti le besoin d’évoquer l’homosexualité dans ce pays où il a ses racines. Pour cela, il a pris comme base scénaristique la danse folklorique géorgienne dont l’héritage, historique et culturel, fait la fierté du pays. À cet héritage pesamment traditionnel, Akin a voulu y confronter l’idée de modernité (de liberté ?) en évoquant une romance gay entre deux danseurs, rivaux d’abord, amants ensuite, de l’Ensemble national géorgien.

Il y a Merab, d’un côté, qui s’entraîne depuis toujours et pour qui la danse représente une issue possible à une condition sociale difficile. Et puis il y a Irakli, de l’autre, qui arrive en remplacement d’un danseur et qui va provoquer, chez Merab, un désir nouveau. Mais l’homosexualité, en Géorgie, est considérée comme une déviation (et, de fait, réprimée dans la violence, dans l’exil, ou même l’envoi au monastère) par rapport aux valeurs patriarcales (de la société) et conservatrices (des chefs religieux orthodoxes), même si les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre y sont, depuis 2014, censément interdites. Alors comment aimer, comment s’épanouir, comment se sentir libre ? Comment aspirer à une vie que l’on voudrait construire soi-même sans le poids des traditions, du rejet et de la famille ?

En suivant le lent chemin d’émancipation (et de construction) de Merab à travers la danse et ses sentiments, Akin parle aussi d’une jeunesse géorgienne qui cherche à s’affranchir de carcans et de normes. Le film est assez (trop ?) classique dans le traitement de la relation entre Merab et Irakli, mais montre avec force la pratique (physique) et les rituels de la danse folklorique géorgienne où la sexualité et la sensualité sont bannies au profit de l’effort, de la virilité, du geste sublimés au nom de la patrie. La danse finale de Merab sera d’ailleurs comme un pied de nez à ce legs imposé et imposant, l’accomplissement, enfin, de son opposition à tant de limites.

Et puis nous danserons
Tag(s) : #Films, #Cannes 2019

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