La dette grecque vue de l’intérieur, ou plutôt les cinq mois de turbulences politiques et médiatiques, de janvier à juillet 2015, vécus par Yánis Varoufákis (alors ministre des Finances du gouvernement Syriza d’Aléxis Tsípras) quand il tenta de sortir son pays de l’austérité économique en plaidant une flexibilité du remboursement de la dette. Varoufákis n’y parviendra pas, démissionnera puis écrira des livres, entre autres Et les faibles subissent ce qu’ils doivent ? et Conversations entre adultes. C’est ce dernier qui, en partie, a servi de base scénaristique au film ainsi que les discussions que Costa-Gavras a pu avoir avec Varoufákis.
Il en a tracé une ligne directrice générale établie autour des nombreuses entrevues à Bruxelles (et ailleurs) où se décida le sort d’un État, perçu alors comme le vilain petit canard de l’Union, qui semblait pourtant joué d’avance (et davantage avec la victoire de Syriza, parti radical de gauche honni d’entrée de jeu). Si la situation n’était pas aussi catastrophique pour des millions de gens (Varoufákis parlera de "crise humanitaire", terme que réfuteront évidemment les pontes de l’Eurogroupe), on pourrait en rire. Rire de ce spectacle pitoyable de leaders politiques et autres sous-fifres gouvernants incapables de s’entendre pour le bien d’une Europe (et d’un pays) mal en point.
Il y a même, parfois, quelque chose de Docteur Folamour dans tout ça : dans ces négociations sans fin, dans cette immense salle de réunion de l’Eurogroupe qui pourra rappeler la salle de commandement créée par Ken Adam. Dans ce Wolfgang Schäuble, à l’époque ministre allemand des Finances, raide dans son fauteuil roulant (le salut nazi en moins) et dans ce que le film montre de la tartufferie et des chamailleries de nos chers dirigeants ("On a besoin d’adultes dans cette pièce", résumera Christine Lagarde au sortir d’un énième conciliabule). Costa-Gavras semble avoir préféré la charge au vitriol (Varoufákis en héros seul contre tous, Schäuble en vrai salopard, la troïka européenne en une armée de technocrates psychorigides…) à une analyse nuancée des évènements.
Même si, au demeurant, cette charge donne l’impression de ne pas vraiment s’éloigner de la réalité (voir également, à ce sujet, la sympathique série Parlement). Et puis le film fait œuvre de vulgarisation nécessaire (le dossier de la dette grecque est si complexe qu’un film de deux heures ne suffit pas), et Costa-Gavras a d’ailleurs admis qu’il n’avait fait ni un documentaire ni une reconstitution, mais d’abord du cinéma. Mais peu importe finalement : Adults in the room pointe surtout les manquements démocratiques d’une Union européenne proche du rouleau compresseur autoritaire et qui, d’elle-même, nourrit les relents europhobes (et populistes) à travers ses pays membres. Et les prodromes de sa chute ?