Nicolas Maury, on l’a surtout découvert en soubrette fantasque dans Les rencontres d'après minuit. C’est là qu’il a émergé et qu’on s’est intéressé au personnage, échalas lunaire un peu précieux, un peu à l’ouest et en même temps mordant quand il faut, parfois bitch. Et puis il y a eu la série Dix pour cent, évidemment, où Maury a amusé. Aujourd’hui il passe aux choses sérieuses en réalisant son premier long métrage, sorte de mise à nu (dans tous les sens du terme), d’ego trip gentil tout plein autour d’un jeune comédien un rien immature qui végète, jaloux échevelé (et poilu) qui se fait larguer par son copain et fils à maman qui part se ressourcer dans ses bras, là-bas dans le Limousin, comme un retour en enfance sur un air de Paradis.
Un personnage insupportable sur le papier, mais que Maury, par son ingénuité, sa fantaisie et sa façon de se cogner à tout, rend attachant à l’écran. Dans ce sentiment d’exclusion qui l’habite en permanence (au boulot, en amour, par la vie et même par sa mère qui ne jure plus que par Kevin, jeune homme à tout faire) et qui le fait devenir maboul, Jérémie se noie (et plus tard littéralement, mais quelques bonnes sœurs sont là, qui veillent…). Alors il lui faut apprendre à gérer la crise, autant que ses crises d’ailleurs, celles de jalousie, pure et dure. Aller de l’avant aussi. Se faire confiance. Et obtenir ce rôle dans une nouvelle adaptation théâtrale de la pièce de Frank Wedekind, L’éveil du printemps. En plus c’est un rôle pour lui, a dit sa mère, un rôle de "jeune homme mélancolique dans un monde hostile". Un rôle miroir, forcément.
Pas bête, le Maury s’est bien entouré pour ses débuts d’entremetteur en scène : il y a une mère super (Nathalie Baye), un husky mimi et des garçons canons (Arnaud Valois et Théo Christine), et même Laure Calamy qui perd son calme. Son film est une sucrerie aigre, une petite chose toute malhabile des premières fois. Parce qu’on a beau le trouver sympathique, Maury, on a beau sourire aux mésaventures existentielles de son Jérémie, on a beau apprécié la touche finale à la Jacques Demy, sa petite chose s’éparpille à trop vouloir dire (métier d’acteur, jalousie, couple, mal-être, désir, deuil…), accuse des coups de mou et ne tient pas la distance sur presque deux heures d’atermoiements et de jérémiades. Maury en oublie le reste, du rythme, des respirations, des personnages, autre que le sien, davantage développés, et puis des coupes, encore des coupes, beaucoup de coupes. Allez, on parie que ce sera mieux la prochaine fois, maybe the next one, darling.