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Le goût de la haine

Hasard du calendrier, on aura eu droit cette année à deux films, sortis à six mois d’intervalle, de Jan Komasa, nouvelle coqueluche du cinéma polonais. Si La communion a pu être visible en salles malgré le premier confinement, Le goût de la haine a lui directement été diffusé sur Netflix. Komasa s’est, en partie, inspiré de l’assassinat en 2019 de Paweł Adamowicz, maire libéral de Gdańsk, comme trame (ou plutôt comme conclusion) de son nouveau film qui suit les (més)aventures de Tomasz, sorte de Rastignac 2.0 gravissant les échelons de la réussite grâce à sa maîtrise, sur les réseaux sociaux, de la diffamation et de la manipulation.

Si le récit se montre implacable dans ce qu’il dit de nos sociétés actuelles gangrénées par la tentation extrémiste et l’hydre de la désinformation, le film l’est beaucoup moins dans sa monstration qui, parfois, accumule les incohérences et la facilité. La mécanique scénaristique a quelque chose de trop bien huilée, faisant du parcours de Tomasz dans les méandres de l’astroturfing une quasi promenade de santé où, comme c’est pratique, tous ses plans et stratagèmes se révèlent aussi évidents à mettre en place que sans cesse couronnés de succès. De fait, le personnage de Tomasz n’est jamais loin de la caricature, jeune homme revanchard parce qu’exclu de l’accomplissement social et universitaire devenant, en un rien de temps, une sorte de Joker du cyber, d’Hannibal Lecter du trollage (sentiment renforcé par l’interprétation glaçante de Maciej Musialowski).

Et puis Komasa cherche à dire beaucoup sur beaucoup de choses : tartuferies politiques, dérives populistes, refus de l’immigration, endoctrinement via les jeux vidéo, différences de classes… La charge y perd souvent en subtilité, et la critique aussi d’une Pologne (mais qui vaudrait pour pas mal de pays) coincée entre la bien-pensance et la suffisance d’une gauche en vase clos et une droite abâtardie et particulièrement virulente, se vautrant dans un nationalisme décomplexé. Entre les deux, Tomasz (et combien d’autres comme lui ?) a toute latitude pour placer ses pions, semer le chaos et, dans un dernier sourire perfide dissimulé derrière une gravité feinte, en récolter les bénéfices.
 

Jan Komasa sur SEUIL CRITIQUE(S) : La communion.

Le goût de la haine
Tag(s) : #Films

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