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Seules les bêtes

Ça faisait un bail qu’on ne croyait plus vraiment en Dominik Moll, et même la série Eden l’année dernière, dont il réalisa plusieurs épisodes, n’avait su nous convaincre d’un éventuel retour en grâce. Et Moll finalement de rester l’homme d’un seul film, le génial Harry, un ami qui vous veut du bien qui lui valut succès et reconnaissance critique. Mais c’était sans compter sur ce Seules les bêtes aux allures de thriller psychologique emberlificoté, adaptation d’un roman de Colin Neil multipliant les points de vue et les temporalités (et même les géographies) pour construire une sorte de labyrinthe narratif où s’entrecroisent les sentiments, la mort, le hasard, les espoirs promis et les déceptions cruelles.

Au cœur du labyrinthe, c’est de cela et de rien d’autre dont il s’agira : d’amour. Amours adultères, amours folles, amours illusoires. La réponse à la question centrale du film (qui a tué Évelyne Ducat ?) vaudra moins que l’enchaînement inéluctable d’interactions et de circonstances qui mèneront à la mort d’une femme. Et l’enquête menée par le spectateur (et si peu, dans le film, par la police, réduite à un jeune gendarme débonnaire) se concentrera vite sur les crises existentielles de personnages en mal d’amour, assujettis à leurs passions jusqu’à pouvoir tout perdre. Des paysages enneigés du causse Méjean aux quartiers populaires d’Abidjan où les "brouteurs" font rage, le destin n’épargne personne, et les maldonnes encore moins.

Chacun croit détenir un bout de vérité, interprète à sa façon les événements, élude, comprend, ne comprend plus, s’interroge, s’éprend, se méprend, se déchire. Moll et son scénariste fétiche Gilles Marchand font d’Alice, Michel, Marion et les autres des êtres perdus dans un quotidien sans issue (sinon le gouffre, sinon l’exil, sinon la misère) révélant sa part de cœurs lourds, d’envies sabotées en plein vol ou en quelques clics. Et malgré la noirceur ambiante (mais jamais pesante) qui brasse, quand même, infidélité et jalousie, duperie et meurtre, voire un soupçon de nécrophilie, le film est d’abord un "simple" drame amoureux qui, sous ses airs de jeu de piste à la Rashōmon, tend vers une possible certitude : quand désir et arbitraire sont à la colle, tout le monde y laisse des plumes.


Dominik Moll sur SEUIL CRITIQUE(S) : La nuit du 12.

Seules les bêtes
Tag(s) : #Films

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