Il y a une île, l’île de Jeju. Il y a des palmiers, d’immenses plages et une mer claire. Un paradis, une certaine idée du paradis donc, mais qui n’est qu’un leurre. On serait plutôt au purgatoire, à attendre de crever. C’est ici que Tae-gu, membre d’un gang mafieux coréen, venu se planquer après avoir tué le chef d’un gang rival (a priori responsable de l’assassinat de sa sœur) qui cherchera évidemment à se venger, rencontre Jae-yeon, suicidaire parce que foutue, rongée par une maladie quasi incurable. Il pourrait y avoir aussi une romance, un début d’histoire d’amour, mais là encore il y a illusion. Plutôt le rapprochement entre deux êtres solitaires, endeuillé pour l’un, abîmé pour l’autre, condamnés les deux, qui, simplement, comprennent qu’ils ne veulent pas mourir seuls.
Park Hoon-jung, comme d’autres réalisateurs coréens (au hasard Bong Joon-ho et Na Hong-jin), sait manier le mélange des genres et la rupture de ton avec habileté. Polar violent, drame existentiel nihiliste, quelques pointes d’humour (voire d’ironie) ici et là, puis enfin défouloir (très) sanglant dans sa dernière demi-heure, Night in paradise jongle avec tout ça, enrobé d’une sorte de lenteur contemplative qui sied bien au ballet des sentiments (et de la mort), à la mise en place des enjeux et des protagonistes comme sur un échiquier, prêts pour un long (et double) final doloriste se refusant à la nuance. Final tout entier dévoué à la rédemption, par la souffrance, de Tae-gu et à la vengeance, par les armes, de Jae-yeon.
On pourra regretter une écriture parfois un peu trop caricaturale de certains personnages, en particulier chez les mafieux, et une relation entre Tae-gu et Jae-yeon qui aurait pu être davantage étoffée, pour lui dans une sorte de transfert filial, pour elle dans la concrétisation d’un désir incertain, en tout cas d’une envie d’émancipation malgré le mal qui la consume. Park Hoon-jung de toute façon ne semble avoir qu’une idée en tête : tout faire converger, tout préparer à l’apothéose ultime, à ce grand moment outrancier qui se doit de détonner, de marquer, et comme si le reste finalement n’avait pas d’importance, pas besoin de profondeur, et comme s’il fallait surtout dire (montrer) qu’il n’y a aucune échappatoire possible à notre condition, et certainement pas celle d’un paradis.