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Teddy

Teddy il est marrant, il a une tête marrante. Teddy il vit au jour le jour mais avec en tête, qu’il a marrante donc, de s’installer et de fonder une famille avec Rebecca, sa petite amie, là-bas dans ce petit village des Pyrénées-Orientales. Et même si lui il est sans diplôme, sans boulot fixe, un peu le marginal du village. Et puis un jour Teddy se fait mordre par un loup, et puis après il commence à se sentir bizarre. Et à se transformer, lentement, en un loup-garou… Entre loufoquerie du terroir à la Bruno Dumont, en mode P’tit Quinquin, et pastiche de film d’horreur, plus loufoquerie que pastiche d’ailleurs, et même plus terroir qu’horreur, Teddy tente la greffe des genres, la rupture de ton, mais sans vraiment convaincre.

D’autant qu’il faut y voir aussi, sous couvert d’une métaphore lycanthrope, une sorte de chronique sociale racontant, via le personnage à la marge de Teddy, une certaine jeunesse en décalage, pas comprise, exclue, rejetée pour sa différence, avec la hargne et l’impatience en retour de bâton. "Ce qui nous intéressait davantage, c’était comment une accumulation de frustrations pouvait entraîner une forme de colère qui peut, dans certains cas, déboucher sur une forme de monstruosité", ont ainsi expliqué les frères Ludovic et Zoran Boukherma. Habile analogie sur le papier, certes, mais dont le transfert à l’écran s’avère peu convaincant. C’est que le film fonctionne rarement, et pour des raisons diverses, dans chaque registre qu’il entend investir (ou revisiter).

Soit la chronique du terroir : jeu approximatif d’une majeure partie du casting non professionnel, rythme atone et humour lunaire qui fait mouche une fois sur trois, voire quatre, voire cinq. En gros, à peu près les mêmes défauts que l’on retrouve dans les "comédies" de Dumont. Soit le pastiche du film d’horreur : à peine deux ou trois écarts sanguinolents et, davantage que des scènes d’horreur totale (encore que l’évocation de l’attentat du Bataclan fasse froid dans le dos, au-delà de sa grande maladresse), les frères Boukherma préfèrent miser sur le moins, sur du viscéral à petite échelle (langue qu’on passe au rasoir, poil qu’on retire d’un œil, ongle qu’on arrache).

Et s’ils ont opté pour l’attente et l’imaginaire autour de l’apparition du loup-garou, on est toutefois plus proche de la frustration pure à force d’esquives et d’ellipses (dix secondes dans le noir d’un couloir avec deux yeux rouges qui brillent, voilà, c’est tout, tchao, bye bye). Soit la chronique sociale : rien de neuf sous le soleil de la France (hyper) périphérique, profonde en l’occurrence, qui se résume à des célébrations de monuments aux morts, des attaques de loups sur les troupeaux de moutons, des difficultés à trouver un boulot et des soirées bingo, et qu’on filme avec peu d’idées, peu de volonté dans la mise en scène.

Étrangement, aucun des protagonistes n’est attachant, très souvent (et très facilement) réduit à sa simplicité ou sa stupidité, éventuellement les deux. On veut bien croire que les réalisateurs ont de la tendresse pour chacun d’eux ("On a envie de filmer et de montrer les gens au milieu desquels on a grandi, et que l’on ne  montre  pas  beaucoup au cinéma"), portant un regard piquant ou, disons, pittoresque, sur ces gentils hurluberlus de la campagne, sauf que ce regard s’arrêtera à ça, du pittoresque, sans perspective de réelle caractérisation ou d’un semblant de profondeur (c’est particulièrement le cas pour les flics, le rival de Teddy ou sa patronne au salon de massage). Il n’y a que Teddy (Anthony Bajon, parfait avec son visage poupon et ses doigts d’honneur) qui nous amuse, nous importe, nous touche parfois, mais dont le sort pourtant, lors d’un final raté en bonne et due forme, laissera tristement indifférent. Bah ouais, loup-garou, ça rime avec on s’en fout.


Les frères Boukherma sur SEUIL CRITIQUE(S) : L'année du requin.

Teddy
Tag(s) : #Films

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