Après les Arabes, pardon, les Égyptiens (Le Caire, nid d’espions), et les Juifs, pardon, le peuple hébreu, pardon, élu (Rio ne répond plus), voici que notre espion national préféré, mais pas forcément (du tout) le meilleur, mais assurément (du coup) le plus beauf, s’en donne à cœur joie dans les lazzis et quolibets contre les Noirs, pardon, les gens de couleur foncée, non, les gens de couleur, pardon, juste les gens en fait, et un peu contre les homosexuels aussi, pardon, les LGBTQIAWXYZ+++. En revanche, les femmes, pardon, les iels non genré·e·s et potentiellement menstrué·e·s, font toujours les frais des manières si peu cavalières de ce sacré de la Bath, qui lui-même n’en rate pas une pour se ridiculiser (mais sans jamais s’en rendre compte). Cette fois donc, direction l’Afrique et ses entourloupes colonialistes et communistes, ses dictateurs élus "démocratiquement" et ses diamants rutilants (et éternels, évidemment).
Nous sommes en 1981. François Mitterrand ne va pas tarder à être président, l’Afrique commence à se rebiffer contre les diktats occidentaux, James Bond est en plein règne Roger Moore (le générique en parodie d’ailleurs le ton) et OSS 117 commence sérieusement à devenir has been. Plus à la page, ce cher Hubert. On le flanque ainsi d’une jeune recrue, OSS 1001, plus cool, plus respectueux et surtout plus compétent, pour aller enquêter sur la rébellion indépendantiste qui indispose le pouvoir en place soutenu par la France qui, bien sûr, y trouve ses intérêts (bienvenue en Françafrique). Il s’agit donc de placer OSS 117 sur l’échiquier d’un monde plus que jamais en mouvement et d’opposer son chauvinisme, sa misogynie et ses préjugés légendaires aux changements en cours.
Et de confronter, par extension, l’humour "limite" de la franchise (le fameux "Ah ça ? Quelle histoire ça aussi…" lancé à propos de la Shoah) brocardant avec aplomb n’importe quelle minorité ou sujet sensible aux injonctions morales de notre époque (#MeToo, zèle woke, politiquement correct exacerbé…) qui ne supporte plus le moindre écart de pensée ou de parole, fût-il drolatique. Sur ce point, le film reste étonnamment sage, et si quelques saillies font effet, on attendait davantage de mordant de la part de Nicolas Bedos et de Jean-François Halin, toujours aux manettes côté scénario. À la place, il nous faut supporter pendant presque deux heures les problèmes d’érection d’Hubert, sa rivalité mal placée de petit coq face à OSS 1001 et sa nullité crasse dont les ressorts paraissent s’émousser.
D’autant que l’intrigue principale, à base de pataquès politique et de trafic d’armes, s’enlise et ne passionne guère, Bedos et Halin n’en tirant pas grand-chose en termes d’idées (par exemple le personnage de Zéphyrine, la cheffe rebelle, écrit et traité par-dessus la jambe) et d’irrévérence. Il faut donc se raccrocher comme on peut à ce qui, possiblement, met en joie : un Jean Dujardin se réappropriant un rôle qu’il iconise un peu plus encore, trois ou quatre pitreries bien senties, un Pierre Niney toujours aussi à l’aise dans la gaudriole et une Natacha Lindinger royale en chargée de clientèle hôtelière aussi entreprenante que cinglante. Maigres récompenses, in fine, pour ce troisième opus pas très folichon dont le sel et l’esprit, propres à l’univers OSS 117, se sont comme standardisés.