Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, Laurent Lafitte a choisi d’adapter une pièce de théâtre, en l’occurrence celle de Sébastien Thiéry, au sujet atypique, voire même archi atypique. Pièce de théâtre qu’il faut pouvoir arracher des planches quitte à trahir, en tout cas en étant capable de proposer autre chose que du théâtre filmé. Et sujet plus que singulier (devoir prendre en photo le vagin de sa mère pour ne pas mourir, du moins pour faire repartir un cœur qui, soudain, s’est arrêté de battre) qu’il faut, lui, tenir, nourrir et porter jusqu’au bout. Sur ces deux points malheureusement, Lafitte n’arrive à pas grand-chose, livrant un film poussif au rythme mou alors qu’on s’attendait à un vrai shoot d’insolence et d’humour noir.
Si Lafitte dit avoir voulu conserver, dans sa mise en scène, la théâtralité du projet ("J’ai préféré l’assumer et la tordre vers une réalité de cinéma avec des cadres fixes et des acteurs qui évoluent dans ces cadres un peu comme au théâtre"), au vu du résultat, ce soi-disant parti pris prend davantage l’allure d’un aveu de faiblesse, d’une impuissance à s’extraire des limites de cette théâtralité (il faut voir comment est traité l’enchaînement des révélations finales : sans génie, sans idée et tombant, de fait, complètement à plat). Au demeurant, certaines scènes tentent tant bien que mal d’apporter une relative ampleur cinématographique à l’ensemble. Quand par exemple Lafitte croit bon de filmer quelques séquences oniriques de rêves/cauchemars ; mais celles-ci ont tout d’un maigre pis-aller et sont globalement ratées, inutiles et, il faut bien le reconnaître, assez laides.
Mais le pire, car finalement ce manque d’ambition dans la mise en scène n’est même pas ce qui déçoit le plus, c’est qu’avec un sujet pareil et les thèmes qu’il sous-tend (grandes névroses et petites lâchetés, frustrations sexuelles et nœud œdipien…), le film reste en surface et étonnamment sage, pas vraiment irrévérencieux ni prompt à provoquer le "malaise", comme entendu ici et là. Le film s’en tiendra à deux ou trois situations certes cocasses, mais loin d’être réellement transgressives et sans, à côté, oser aller plus loin que ce que permettait le récit initial. Et Lafitte, Karin Viard, Hélène Vincent et Vincent Macaigne ont beau se démener comme des diables, allant jusqu’à jouer nus lors d’une scène délicieusement polissonne (sans doute la plus, voire la seule, réussie du film), ça ne suffit pas à nous faire croire que l’on tient là un modèle de comédie effrontée.