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In the earth

Revoilà donc Ben Wheatley aux affaires. Aux vraies affaires, s’entend, après s’être perdu, l’année dernière, dans une nouvelle adaptation mollassonne du Rebecca de Daphné du Maurier. Écrit et tourné pendant le confinement en un temps record, In the earth, inspiré en partie par la pandémie de la Covid, est une sorte de retour aux sources pour le cinéaste, ou plutôt comme un digest de ses premiers (et meilleurs) films que sont Touristes, Kill list et A field in England. Humour noir, survival déglingué, délire païen et puissances occultes, quelques séquences gore et trip expérimental : In the earth est définitivement (et purement) un film Wheatley.

Celui-ci a imaginé un monde ravagé par un virus mortel au sein duquel un scientifique, accompagné d’une garde forestière, doit se rendre dans un centre de recherches dirigé par son ex-compagne qui n’a plus donné signes de vie depuis des mois, et situé en plein cœur d’une immense forêt. Forêt dont la légende locale dit qu’un esprit, Parnag Fegg, veille sur elle et son essence primitive. Mais Wheatley, évidemment, va très vite se détourner de cette mécanique initiale qu’il n’aura de cesse de détraquer et pour nous déstabiliser (bien malins ceux qui sauront où le réalisateur veut nous amener), et pour proposer une expérience visuelle et sensorielle qui rappellera, en plus dingue, celle d’A field in England (avec ce qu’il faut de folie humaine, de force ésotérique mystérieuse, de champignons hallucinogènes, de visions kaléidoscopiques et stroboscopiques au son de l’incroyable partition de Clint Mansell).

Wheatley revient ainsi à ses premiers amours, la folk horror, revenue elle à la mode ces derniers temps grâce à Robert Eggers et Ari Aster. Curieux des conséquences écologiques et sociologiques de la crise sanitaire actuelle ("Je voulais parler de ce qui est en train de se passer, et de ce que j’étais en train d’expérimenter sur le moment. La Covid va marquer toute une génération", a t-il expliqué) et fasciné par le phénomène de mycorhize qu’il a récemment découvert, Wheatley observe l’Homme aux prises avec une nature qu’il a consciencieusement déréglée, ou qu’il tente, dans son arrogance et par ses méprises, de comprendre, d’en percer les profonds secrets.

Mais une nature bien décidée, de son côté, à ne pas se laisser faire et, surtout, à révéler la part de l’humain, lors d’une connexion mystique avec lui, dans l’échéance d’un monde qui s’écroule pour de bon. Et dans lequel elle combat pour son propre devenir, sa propre survie au fil du temps et des croyances. Wheatley, avec le mordant et l’ironie qu’on lui connaît, oppose la science moderne (et les dérives qui vont avec) à des pouvoirs telluriques ancestraux dans un film aussi déroutant que virtuose par instants (mais parfois un rien confus, aussi), et constatant notre impossibilité d’appréhender ce qu’il reste du présent et les signes d’un environnement qui chercherait à nous court-circuiter (ou nous prévenir, nous guider ?) une bonne fois pour toutes.
 

Ben Wheatley sur SEUIL CRITIQUE(S) : Kill list, A field in England, High-rise, Free fire, Rebecca.

In the earth
Tag(s) : #Films

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