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Enquête sur un scandale d'État

Octobre 2015, en plein cœur de Paris : les douanes françaises découvrent et saisissent sept tonnes de cannabis. Stupeur et applaudissements ; on s’émeut, on se congratule, les flashs crépitent et les chaînes d’info jubilent. C’est le début de l’affaire François Thierry, alors directeur de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, et Sofiane Hambli, considéré comme l’un des plus gros trafiquants européens et recruté par Thierry. On découvre ainsi l’élaboration d’un vaste système de trafics dits «surveillés» (ou non) qui, au motif de combattre les trafiquants, démanteler les circuits d’importation et faire tomber quelques barons au passage, patauge dans sa propre boue. Avec cet éclatant scandale, révélé par un journaliste de Libération grâce aux témoignages d’un ex-infiltré ayant pris part à ces opérations de l’ombre, c’est toute la stratégie de la lutte anti-drogue en France et ses méthodes, souvent équivoques (lutter contre le mal par le mal : en gros, laisser passer la drogue et inonder le marché pour remonter les filières), qui sont remises en question.

Thierry de Peretti, après deux films (Les apaches et Une vie violente) tournés en terre locale (la Corse), a décidé de se frotter aux arcanes du pouvoir français et au travail journalistique de fond en investissant les rues et les boulevards de la capitale ("J’éprouvais depuis longtemps le désir de filmer Paris, qui est aussi ma ville, puisque j’y passe une partie de mon temps. J’avais envie de raconter ce que j’observe et ressens", a ainsi expliqué de Peretti). L’enquête se révèle passionnante (non, calmons les ardeurs : plutôt intéressante), décortiquant avec minutie toute une suite de faits et de divulgations (dérives étatiques, intérêts personnels, pratiques opaques…) qui, en toute logique, ne pouvait mener qu’à un tel scandale.

Problème : le film est et restera factuel jusqu’à ses ultimes secondes, rejetant facilités et faux suspens, écartant tout spectaculaire. Du factuel, encore du factuel, toujours du factuel, et surtout pas autre chose (si, il y a bien deux ou trois scènes de repas et de danse qui sont là comme des respirations, des trouées de vie dans le tourbillon des investigations). Résultat : zéro émotion, zéro tension, zéro implication du spectateur dans le déroulement du récit, et zéro empathie pour les personnages. À la rigueur, et à ce niveau de factuel que rien ne viendra chambouler, un documentaire aurait largement fait l’affaire. Le talent des acteurs et la mise en scène, inspirée, n’y sont pour rien. Simplement, le film ne dégage rien. Il lui manque un souffle à la Gavras. Il lui manque une envie de cinéma.

Enquête sur un scandale d'État
Tag(s) : #Films

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