Mexico, de nos jours. Il y a un mariage dans une belle demeure des faubourgs, entre familles de la haute bourgeoisie. Il y a aussi une révolte qui gronde dehors, partout dans les rues ; un soulèvement populaire (contre les riches, les gouvernements, les inégalités…) tendance Black blocs qui dégénère. Il y a une tension palpable soudain, quelque chose qui se disloque, très précisément, avant l’inévitable retour de bâton (de matraque) et les dérives totalitaires, plus inévitables encore, qui vont avec. Il y a l’enfer après, l’enfer qui s’ouvre en grand, en gigantesque. L’enfer parce que quand un pouvoir en place se sent menacé, quand la plèbe marche et conteste et se rebiffe, il y va, il ne fait pas de quartier, œil pour œil presque. Il s’autorise tout, justifie tout, assume tout, verrouille tout.
Il suffit de regarder le monde, d’en constater l’état, hier, aujourd’hui, ailleurs, loin, pas très loin, par chez nous à la rigueur, et dans une moindre mesure, au moment des Gilets Jaunes. Michel Franco y va lui aussi, ne fait pas de quartier non plus. Sa charge est lapidaire, sans détour et rentre-dedans, d’un pessimisme radical. Contre un extrême, même sporadique, le temps d’un cri, d’un ras-le-bol qui s’exprime dans sa violence la plus pure, un autre extrême en pire, répressif et bien pratique, sans alternative et pour un moment. On en déballe d’ailleurs toute la panoplie : zones de contrôle, couvre-feux, rationnements, militarisation, ambiance concentrationnaire… Tortures, viols, emprisonnements, exécutions… La routine quoi.
Pas le temps de la réflexion ici. Pas le temps pour les tralalas et les grands discours, ni pour l’émotion et les sentiments (Franco ne s’autorise aucune empathie pour ses personnages, les salauds comme les imbuvables comme les bienveillants). Franco vise plutôt l’uppercut, le crachat dans la gueule (c’est un parti-pris, c’est son intention, et c’est pas pour les âmes sensibles), ce que l’on pourra éventuellement regretter parce qu’un tel sujet, certes pas franchement nouveau dans ce qu’il à dire des dissidences et des oppressions, appelait peut-être à un peu plus d’observation, à plus de décortication et à moins de démonstration par la force ; mais là encore, c’est une question de parti-pris qu’il faut pouvoir accepter (ou rejeter). Mais la vision qu’en a Franco a, dans tous les cas, le mérite d’être on ne peut plus claire : c’est une vision sans espoir (réaliste) de nos sociétés, des États, de la démocratie et de l’humanité en général. Une vision droit dans le mur. Une vision un flingue sur la tempe.
Michel Franco sur SEUIL CRITIQUE(S) : Después de Lucia, Memory.