Quand le cinéma décide de se moquer de lui-même, de se regarder droit dans les yeux ou de se donner des claques, ça peut donner de grands films, des classiques même, par exemple Boulevard du crépuscule, La nuit américaine ou The player. En ce qui concerne Compétition officielle, on restera au niveau du film sympathique, mais sans plus. Qui pouvait mieux faire. Alors que tout était potentiellement réuni pour un réjouissant jeu de massacre : un puissant homme d’affaires se la jouant philanthrope décide de produire un film en engageant LA cinéaste du moment, archi sûre de son génie, ainsi que deux acteurs mondialement réputés mais diamétralement différents, l’un star hollywoodienne bling-bling et capricieuse, l’autre janséniste du théâtre d’auteur rejetant le mainstream. Les hostilités peuvent donc commencer : place à la bataille d’egos et autres prétentions artistiques.
Souvent pendant le film, et bien malgré nous d’ailleurs, on en vient à se demander, et puisqu’il y a ici deux des plus emblématiques figures de proue de son cinéma (Penélope Cruz et Antonio Banderas), ce que Pedro Almodóvar aurait bien pu faire de ce scénario qui démonte petits travers et grandes vanités du monde du cinéma. Sans doute une comédie enlevée revenant à ses débuts, ou un puzzle acide plein de couleurs et d’exclamations. Mariano Cohn et Gastón Duprat, eux, visent la satire sophistiquée et distanciée, plus proche du pince-sans-rire que de la caricature à gros traits, investissant pour cela le théâtre/auditorium San Lorenzo de El Escorial à l’architecture ultra minimaliste d’où ne semble résonner tantôt la futilité, tantôt l’orgueil de personnages cherchant à défendre, ou plutôt à imposer, leurs "visions créatrices".
Mais entre crises égotistes et exercices conceptuels sur l’engagement artistique ou émotionnel, donnant lieu alors à quelques séquences savoureuses (le rocher suspendu, les baisers échangés devant les micros, la destruction de prix…), le film, en plus d’accuser d’une bonne demi-heure de trop, a du mal à trouver son rythme, atone et peu habile à construire une impulsion dans l’enchaînement des scènes, dans sa maîtrise du huis clos. Et puis il fallait sans doute plus de mordant, il fallait plus de fiel, et parce que le constat s’impose : on sourit davantage qu’on ne rit (ou ne jubile) face à ces vaines gesticulations et ces grands airs que l’on se donne. Et à un certain cinéma auteuriste qui, parfois, aime à se complaire dans ses velléités absconses, ses tics de langage et ses allures un rien narcissiques.