OK, tu veux bien te montrer conciliant, à la rigueur quand t’es de bonne humeur, faire des efforts, faire semblant un peu, arrêter de tout critiquer pour un rien, un plan pas terrible, une photographie moche, un acteur nul, un problème de rythme, mais parfois ce n’est pas possible, ce n’est pas envisageable. Par exemple pour L’année du requin, tu ne vois pas, concrètement, ce qu’il y aurait à sauver du film des frères Boukherma. Éventuellement Marina Foïs, mais même l’actrice semble ici à la masse, éteinte, pas concernée. Comme si elle s’était rendu compte, au fur et à mesure du tournage, du navet auquel elle prenait part, dans lequel elle se fourvoyait.
Deuxième incursion dans le genre après les loups-garous (Teddy), les frères Boukherma ont décidé cette fois-ci de tâter du requin tueur et donc, inévitablement, de marcher dans les pas des Dents de la mer (mais aussi de la flopée de nanars qui, depuis le classique de Spielberg en 1975, a vu le jour et continue, aujourd’hui encore, à sévir sur nos petits et grands écrans). D’ailleurs les deux réalisateurs s’enorgueillissent d’avoir réalisé là le "premier film de requin français" (ce qui est vrai), mais bon, si t’étais eux, tu la ramènerais pas trop vu le résultat, catastrophique à tous les niveaux, situé quelque part entre une parodie cheap (c’est Jaws qui rencontre Camping) et le pire de, disons, Claude Zidi.
Que ce soient les dialogues, l’interprétation (beaucoup de comédiens non professionnels, et donc beaucoup d’approximation), le rythme, l’humour (à part une ou deux répliques qui font sourire, c’est rase campagne), les ruptures de ton, les hommages et les clins d’œil (par exemple la référence à la réplique culte des Dents de la mer tombe complètement à plat), tout est mauvais et tout est raté. Les nombreux défauts qui plombaient Teddy se retrouvent ici encore plus nombreux, et surtout plus prononcés. Pourtant le projet avait tout pour plaire, et on était curieux de voir comment les frères Boukherma allaient s’emparer du genre et venir le greffer à leur «univers». Et puis on les sentait motivés, à fond, déclarant "C’est un fantasme de cinéma. Quand tu as vu Les dents de la mer, tu n’oublies jamais l’effet que fait le film. Il n’y a pas vraiment de films dans le même genre. Souvent, le film de requin, ça devient vite parodique". Ou, en l’état, simplement merdique.
Les frères Boukherma sur SEUIL CRITIQUE(S) : Teddy.