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Don't worry darling

Tout est parfait. Tout est ordonné, millimétré, immaculé. Trop, évidemment. Il y a forcément quelque chose qui cloche à Victory, petite ville coquette plantée en plein désert californien, comme surgie de nulle part en ces années 50 surannées où les hommes partent gaiement travailler tandis que les femmes déploient leurs talents de bonnes ménagères. Alice commence à s’en rendre compte. En proie à des visions bizarres, et alors que son quotidien lentement se dérègle, elle veut savoir ce qui se trame derrière les sourires forcés, les couleurs pastel et les belles façades des jolies maisons. Et le spectateur avec elle envisageant, de fait, toutes les hypothèses possibles.

Alice est-elle en train de perdre la raison, victime de sa condition aliénante de femme au foyer dont elle cherche à s’affranchir ? Ou Victory est-elle le champ d’une expérience scientifique secrète ? Ou s’agit-il d’un monde alternatif se manifestant soudain ? Ou peut-être une secte mystérieuse, prête à tout pour imposer ses volontés ?... Le problème avec ce genre de films à énigmes et à twists, c’est qu’il faut assurer, savoir sortir le grand jeu au moment des révélations finales (imaginez une seconde Psychose, Usual suspects ou Sixième sens sans leur ultime coup d’éclat…). Et, sur ce point-là, Don’t worry darling déçoit. Parce qu’après s’être ingénié, avec obstination pendant presque deux heures (d’ailleurs le film aurait mérité d’être resserré d’une bonne demi-heure), à nous balader entres fausses pistes, impasses narratives, flashs hallucinatoires et autres indices cryptiques, la clé du mystère s’avère décevante au regard des enjeux déployés et des attentes que le film garantissait.

Olivia Wilde et sa scénariste Katie Silberman, sur un scénario original de Carey Van Dyke, se sont davantage appuyées sur les moyens (et les artifices) pour arriver à ce final, somme toute assez banal, plutôt que le valoriser, le développer intelligemment. Ce qui s’en dégageait était pourtant intéressant, questionnant les rapports de genres en mettant en perspective (et en parallèle) conventions des fifties et ère post #MeToo. Ou comment la promesse du rêve américain sert au contrôle constant des femmes renvoyées à une vie factice de bonheur, programmée contre leur gré, et qui en réalité ne sert qu’aux désirs et au confort des époux (et donc, plus généralement, des hommes).

L’autre problème de Don’t worry darling, c’est qu’il croule sous les références sans jamais pouvoir s’en débarrasser et, plus dommageable, à se les réapproprier ou, pourquoi pas, les sublimer. Ici un peu du Prisonnier, là du Truman show, ici encore des Stepford wifes, là toujours de La quatrième dimension et du Village. En soi rien de désagréable, et on pourra éventuellement y voir une sorte d’hommage, mais c’est franchement sans originalité. Le film semble d’abord s’amuser à compiler plutôt que créer son propre univers, établir sa propre grammaire cinématographique. Et même si la direction artistique chatoie, et si Florence Pugh ne cesse d’impressionner, et si tout cela reste plaisant à regarder, c’est un sentiment de frustration qui prévaut à celui d’une franche réussite.

Don't worry darling
Tag(s) : #Films

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