La folk horror semble, depuis les succès de The witch et d’Hérédité, connaître un regain d’intérêt et de ferveur. Même Alex Garland, dernièrement, s’y est mis avec Men, et Ben Wheatley, dix ans après Kill list, y est revenu avec délice dans In the earth. Puissance primitive, emprise occulte et soupçon de gore sont ainsi au rendez-vous de The feast qui, s’il aiguise notre curiosité et fait son (petit) effet, ne renouvelle ni ne marquera le genre. Énième variation autour d’un élément extérieur s’insinuant au cœur d’une famille qu’il va méthodiquement anéantir, The feast y ajoute une autre (énième) variation autour d’une force maléfique ancestrale que l’Homme a maladroitement ranimée (et qui compte bien en profiter pour, à nouveau, imposer son ascendance).
On est donc en terrain connu, à défaut de terrain conquis. Au début pourtant, le charme opère, et un trouble, même diffus, s’installe. Sur les notes envoûtantes du Cum dederit de Vivaldi, Lee Haven Jones filme l’intérieur d’une maison au design épuré, plantée là au milieu de la campagne galloise. Une femme y enlève doucement son masque de beauté comme si elle s’arrachait la peau, un jeune homme s’habille d’une combinaison de cycliste puis se masturbe, un autre coupe du bois tandis qu’un homme chasse alentour et qu’une jeune femme, Cadi, se présente à eux, censée aider aux préparations et au service d’un important dîner qu’organisent madame et monsieur.
L’ambiance fait d’abord beaucoup penser au Canine de Yórgos Lánthimos (demeure isolée, aliénation sociale et famille dysfonctionnelle) jusqu’à ce que le fantastique ne vienne s’immiscer par lente contamination d’un réel déjà bien déréglé. Mais à trop s’appuyer sur un rythme privilégiant ambiance et lenteur sans jamais s’en départir, Haven Jones désamorce la tension de son récit qui finit par se diluer dans une sorte d’inertie un rien poseuse. Si l’on reste plus ou moins intrigué jusqu’à sa saignante conclusion, The feast échoue en revanche à singulariser ses personnages et ses enjeux, fable horrifique à tendance écolo où tout se devine trop vite (ce qui se trame, ce qui se joue, ce qui se prépare), et dont on retiendra surtout la présence, troublante et magnétique, d’Annes Elwy dans le rôle de Cadi.