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R.M.N.

R.M.N., c’est pour IRM, en roumain, Rezonanta Magnetica Nucleara. Et c’est ce que Cristian Mungiu, pendant deux heures, va s’efforcer de nous proposer. Une sorte de radiographie, froide et précise, de la société roumaine, et plus généralement de toutes les sociétés, face aux maux qui la gangrènent : mondialisation débridée, traditions séculaires, dénigrement des femmes, racisme décomplexé, inimité ordinaire, opinions radicales… Autant dire que le programme est lourd, genre chargé. Et vu que Mungiu n’est pas spécialement réputé pour son humeur guillerette et expansive, croisement certifié entre un Haneke et un Franco pour festivals de prestige, ne pas s’attendre ici à un concentré d’optimisme et à une réalisation un tant soit peu expressive.

D’un village comme ancestral perdu dans les montagnes nues et les paysages blafards de la Transylvanie, Mungiu fait le laboratoire de son âpre et cruelle démonstration en y intégrant trois Sri-Lankais recrutés par la boulangerie industrielle du coin en manque de main-d’œuvre (puisque la plupart des locaux, depuis la déliquescence de l’industrie minière et forestière, ont eux-mêmes migrés un peu partout en Europe pour tenter d’y trouver un meilleur travail et y construire une meilleure vie). Il n’en fallait pas moins pour troubler la petite communauté repliée dans ses habitudes, elle-même constituée de nationalités différentes (Roumains, Hongrois et Allemands), et pour exacerber les vieux démons patriotiques, réveiller les vieilles rengaines de l’intolérance ("On a rien contre eux, mais qu’ils retournent chez eux" est ainsi entendu plusieurs fois, tel un mantra qui dédouanerait de toute xénophobie éventuelle).

La charge culmine lors d’une longue et impressionnante scène d’assemblée du village où à peu près tout ce qu’entend dénoncer le film se retrouve condensé en une parade de tribunal vindicatif et gueulard renvoyant au pire des réseaux sociaux où les "débats" ne sont qu’invectives, approximations et raccourcis. Et dont rien ne pourra résulter, être entendu, compris, amélioré, déclarant finalement vainqueurs, par KO, rancœurs et frustrations. Outre que le propos de R.M.N., même s’il est toujours bon d’être rappelé, voire martelé en ces temps d’extrêmes florissants, n’apporte en réalité rien de nouveau sur ce que l’on sait (et vit) déjà, c’est la mise en scène de Mungiu qui dessert considérablement le film, l’enserrant dans une rigueur (qui rime volontiers avec pesanteur) laissant peu de place à quelque empathie et à un champ des possibles pour les personnages, réduits le plus souvent à des pions sur l’échiquier d’une haine globalisée dressé, d’une main de fer, par Mungiu.
 

Cristian Mungiu sur SEUIL CRITIQUE(S) : Au-delà des collines.

R.M.N.
Tag(s) : #Films, #Cannes 2022

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