"Je ne sais plus comment aimer", hurle un homme, ivre, et que Santiago aide à monter dans un taxi. Et dans son regard, dans son regard à lui, Santiago, on sent un truc qui fait écho à ça, à ne plus savoir comment aimer. Et parce que Santiago se perd, souvent. Dans l’alcool, dans les drogues, dans le sexe surtout, plan d’un soir, plan à trois, partouze. Pétri de blessures et de désirs à l’arrachée, Santiago s’oublie autant qu’il en oublie les autres, à commencer par sa fille, ado elle aussi en crise. Alors comment on fait, dans ce bordel que sont les sentiments et la vie, pour s’en sortir, trouver la force, trouver sa place, se (re)connecter avec l’autre et ses émotions quand on n’est même pas (plus) conscient de ce que l’on ressent ?
Avec une belle énergie, Leonardo Brzezicki capte au plus près les errements de Santiago, sorte d’animal à sang chaud à la fois flamboyant et pathétique, dans sa recherche, exaltée tout le temps, d’un éventuel bonheur. Pas facile quand les quelques (et fragiles) "repères" qui vous raccrochent au quotidien se font la malle : un ex qui ne veut (ne peut) plus l’aider, une fille qui va partir faire sa vie, loin de Buenos Aires, une mère qui disparaît soudain… On pourrait, assez logiquement, ne rien éprouver pour ce personnage tant il est irritant, égoïste et immature, et dont la part obscure ne semble être que l’unique essence, mais Brzezicki au contraire sait le faire briller dans la noirceur de ses nuits et de ses jours, le rendre bouleversant dans la constance de sa détresse et cet amour presque vital qu’il a pour sa fille.
Au point d’ailleurs que le film n’en a que pour lui, et tous les autres personnages autour n’existeront pas, ou à peine, délaissés, mis de côté, n’étant là que pour marquer l’évolution de Santiago, le (dé)construire et le définir. Pourtant on aurait voulu en savoir plus sur son histoire avec Luis, son ex, et sur celle avec Eloisa, sa femme, et sur les fondements de sa relation compliquée avec sa fille. Mais Brzezicki paraît aveuglé par Santiago (et par son interprète, Leonardo Sbaraglia, d’une rare intensité) et, de fait, son récit oublie d’apporter davantage de densité, de matière émotionnelle, tout obnubilé qu’il est à vouloir enregistrer, certes avec ferveur, les frasques sexuelles et existentielles de ce papa à la dérive en quête d’apaisement.