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Obsession

C’était il y a trente ans déjà, décembre 1992. Fatale, avant-dernier film de Louis Malle, sortait sur les écrans français et précipitait Jeremy Irons et Juliette Binoche dans les tourments d’une passion dévastatrice. Diversement accueilli par la critique, le film fut loin de faire l’unanimité : certains le trouvèrent fade et compassé, voire ridicule, quand d’autres louèrent son envoûtement brûlant et sa discrète élégance. En revanche, les interprétations remarquables d’Irons et de Binoche (et de Miranda Richardson) semblèrent, elles, mettre tout le monde d’accord. À l’origine du film et du scénario de David Hare, derrière ses scènes de sexe qui n’en sont pas vraiment, plutôt des corps à corps intenses, étranges et brusques, mais qui firent scandale quand même (du moins aux États-Unis où le film fut quasiment classé X), il y a un roman publié en 1991, celui de Josephine Hart, qui aujourd’hui se voit réadapté par Netflix.

Pour celles et ceux qui, depuis tant d’années, n’ont su (n’ont pu) oublier Fatale malgré sa mauvaise presse, la curiosité, à l’annonce du projet de cette mini-série en quatre épisodes inspirée elle aussi du roman de Hart, fut donc piquée. La question était surtout de savoir ce qu’elle allait pouvoir apporter de plus par rapport à Fatale, quand bien même il s’avérait primordial, mais difficile, de la découvrir sans établir de parallèle avec le film de Malle (le même problème s’était posé avec la série Le nom de la rose, et va sans doute se poser avec les prochaines séries adaptées de Faux-semblants, de True lies et de Liaison fatale).

À commencer par les acteurs. Comment diable Richard Armitage et Charlie Murphy allaient-ils s’y prendre pour, a minima, égaler le jeu fiévreux d’Irons et la sensualité trouble de Binoche, ce sentiment puissant entre eux d’un désir insensé et de perdition totale ? Sur ce point, et même en faisant fi d’Irons et de Binoche, et avec toute la bonne volonté du monde, il faut avouer que la déception est sans appel. Armitage ne dégage absolument rien, n’a pas la beauté si particulière d’Irons, et jamais on ne ressent dans son incarnation, celle de ce père tombant amoureux fou de sa belle-fille, et alors que c’était une évidence chez Irons, cet état de fébrilité ardente, de dévorement intérieur qui le pousse à s’abandonner et à tout abandonner.

Murphy s’en sort certes un peu mieux, mais elle aussi a bien du mal à s’approprier le personnage d’Anna, son mystère et ses fêlures, y préférant une partition plus convenue, et finalement contraire à ce qu’est réellement Anna, à comment l’a écrite Hart : celle d’une femme trop sûre de ses dangers. Mais le principal défaut d’Obsession, c’est ce manque criant de singularité, de venin, et parce qu’ici tout est fade (ambiance, musique, mise en scène…), terriblement ordinaire. Même les scènes de sexe, tendance SM soft pour les nuls, arrivent à provoquer l’ennui, quand elles ne font pas sourire par la pseudo tension érotique qu’elles croient convoquer.

Et si elles sont rares dans le roman, et Hart insistant peu sur leur côté vaguement SM (quelques allusions ici et là, du style "Patiemment, elle endurait les lents tourments de mon adoration. Parfois, les membres ligotés dans des postures invraisemblables […] elle supportait mon poids", et puis c’est tout : aux lecteurs d’inventer le reste), et si, dans Fatale, Malle évacua cet aspect kinky au profit de rapports fondés sur l’idée de possession et sur une sorte de bestialité, comme de primalité, la série elle y revient de façon cheap, risible souvent, la faisant ressembler in fine à un ersatz de Cinquante nuances de Grey ou de 365 jours. C’est dire le niveau des références. C’est dire le niveau d’ambition souhaité par Morgan Lloyd Malcolm et Benji Walters pour leur série, dont le seul intérêt en vérité est de nous donner envie de (re)découvrir Fatale.

Obsession
Tag(s) : #Séries

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