Ce serait quoi ici, le paradis ? Ici, dans ce centre éducatif fermé pour mineurs ? La liberté sans doute, l’amour sûrement. Celui qui vous tombe dessus, puis qui vous submerge. Celui pour lequel vous envisagez, promettez, désirez, jurez crachez. Celui pour lequel Jo vibre. Celui qu’il a pour William, ce garçon qui vient d’arriver. Entre eux, il y a une attirance mutuelle tout de suite. Une attirance qu’il faut pourtant cacher aux autres parce qu’ici c’est pas l’endroit, pas vraiment l’idéal, pas le mood for love, en tout cas pas pour celui-là. Alors Jo et William s’aiment à l’abri, dans les toilettes, dans les bois quand c’est l’heure du footing, et même à travers la fine cloison qui sépare leur chambre, chacun caressant le mur comme s’il caressait l’autre.
Le paradis, c’est soudain cette façon d’être eux-mêmes, vraie et totale, qu’ils arrachent de ce lieu fait d’interdits et de contraintes. Zeno Graton la traque sans cesse, cette part d’eux-mêmes, à travers les silences et les regards, à travers la réalité d’un territoire où il n’y a que des grilles et des portes. Il troque scènes et dialogues trop démonstratifs contre une approche plus sensorielle, plus spontanée dans sa façon de montrer les désirs naissants puis les sentiments sûrs et certains. Cela passe notamment par la pratique de diverses formes artistiques (photo, dessin, tatouage, musique, danse, travail du bois et du métal) par lesquelles Jo et William paraissent exprimer leurs caractères et leurs aspirations, permettant à Graton d’évoquer plutôt que d’appuyer.
Sauf que le film n’échappe pas à quelques poncifs du genre (le genre romance entre jeunes gays que l’on doit taire, même si Graton a souhaité que l’homosexualité de ses personnages soit, ici, totalement assumée, sans honte ni énième crise identitaire) avec scènes attendues et développement narratif hyper balisé (exposition, rencontre, symbiose, dispute, réconciliation, conclusion, rideau). De fait, ses tentatives de singularité et sa charge émotionnelle s’en trouvent amoindries, à l’inverse des belles interprétations de Khalil Gharbia et Julien de Saint-Jean (découverts, respectivement, dans Peter von Kant et Arrête avec tes mensonges) en écorchés vif que l’amour vient surprendre et étreindre.