Après les déconvenues (pour rester poli) qu’ont été Prometheus, et Alien: Covenant qui cherchaient, très maladroitement (toujours pour rester poli), à remonter à l’origine du mythe du xénomorphe en nous servant une soupe mystico-cosmogonique (le problème n’était pas qu’ils s’éloignaient du concept de la tétralogie de base, non, c’est juste que c’était de la soupe mystico-cosmogonique, point), Alien: Romulus se voulait comme une sorte de retour aux sources du film de Ridley Scott. Sombre, organique, sexuel, oppressant. Jusque-là on était d’accord. Sauf que l’intention n’a jamais dû sortir du bureau des producteurs où Fede Álvarez (dont la pseudo réputation tient davantage de la fumisterie) a réussi, on ne sait comment, à leur vendre son scénario pourri (écrit avec Rodo Sayagues) où l’indolence se dispute aux incohérences.
Parce qu’à l’écran, Álvarez nous la fait bien à l’envers. Et parce qu’Álvarez n’a clairement pas l’audace d’un Fincher par exemple. Pas l’audace d’oser un film sortant des sentiers battus, qui ne plairait pas aux producteurs, qui ferait crever les figures héroïques. Romulus, lui, est convenu au possible, illustrant platement un récit (situé, chronologiquement, entre Alien, le huitième passager et Aliens) qui, sous couvert d’hommage (et d’un hypothétique retour aux sources donc), ne fait que proposer un remake sans saveur d’Alien (qui va se faire tuer en premier ?) se sentant obligé d’enfiler les clins d’œil à la fan base toutes les cinq minutes environ, là dans une référence visuelle à Jeunet, là un détail sonore à Scott, là une ligne de dialogue à Cameron, ou inversement.
Et ça, c’est carrément saoulant. Ça trahit une pauvreté scénaristique (on ne parlera même pas de la mise en scène qui, à de rares exceptions près, est d’un tout-venant abyssal) dont Álvarez et beaucoup de critiques ne semblent même pas avoir eu conscience. On atteint d’ailleurs une sorte d’indigence d’écriture dans cette dernière demi-heure enchaînant à tout-va les situations proprement ridicules, du genre "Tiens, il reste dix minutes avant que le vaisseau ne s’écrase, et si j’allais sauver mon androïde chéri en redescendant, à mains nues, l’immense cage d’ascenseur jusqu’à un endroit infesté de xénomorphes et de facehuggers ?".
Quant au final en mode Alien: Resurrection, c’est un grand moment de gêne narrative (où ce qui est censé nous faire… frissonner ? impressionner ? nous désole en vérité) aggravé par un design esthético-numérique affligeant. Le pire, à ce propos, étant cet horrible deepfake donnant à un androïde le visage de Ash (de Ian Holm donc, décédé en 2020), et ils ne se sont pas aperçus à un moment que c’était complètement raté, qu’à l’écran ça ne collait pas, que c’était une catastrophe ? Dans la catégorie de l’effet digital le plus dégueulasse de l’année (voire de la décennie), les Razzie Awards devraient, très logiquement, ne pas louper Alien: Romulus.
Côté casting, là aussi c’est la douche froide (encore pour rester poli) puisque tous les acteurs sont de pures têtes à claques à l’interprétation proche du néant (on sauvera éventuellement, de la purge, David Jonsson dans le rôle d’un androïde sans cesse rebooté), et pas une seconde on ne tremblera pour eux, pas une seconde on ne s’émouvra de leur sort (la faute aussi à Álvarez pour avoir développé des personnages creux et pas attachants). On ne flippe jamais (et même pas devant la horde de facehuggers, et encore moins devant celle des xénomorphes) face à l’artillerie ultra lourdingue déployée par Álvarez quand Scott, lui, nous traumatisait pour toujours avec seulement les cris et halètements de Lambert face au xénomorphe résonnant dans les coursives du Nostromo. Quand t’as dit ça, t’as tout dit en fait. Y’a pas besoin de développer. Juste fermer sa gueule. Mais dire quand même que, 45 ans après, Alien reste un monument de terreur indépassable, primitive, intime. Et puis fermer sa gueule donc, et pour de vrai cette fois.
Fede Álvarez sur SEUIL CRITIQUE(S) : Evil dead.