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Trap

Depuis The visit sans doute, depuis Old très certainement, M. Night Shyamalan est devenu le roi du pitch et non plus, comme à cette époque bénie et fort lointaine déjà (Sixième sens, Incassable, Le village), le roi du twist final (et entre les deux, du mauvais et du très moyen : Phénomènes, Le dernier maître de l’air, After earth, Split…). Jusque-là tout va bien. Sauf que Old, Knock on the cabin et Trap, s’ils reposent donc sur un pitch savoureux et prometteur, ne tiennent clairement pas la distance sur presque deux heures. Et pour ces trois films-là, un même constat, une même sentence, la même punition : une première heure réussie, une deuxième partie qui faiblit et qui patauge, et une conclusion plus que décevante (voire indigente en ce qui concerne Knock on the cabin).

Trap s’annonçait jubilatoire : un père attentionné, Cooper Adams, accompagne sa fille de 12 ans au concert d’une jeune pop star, Lady Raven, énième clone d’Ariana Grande et de Taylor Swift. Sauf que la salle de concert est rapidement cernée par la police et le FBI, à la recherche d’un tueur en série insaisissable (le Boucher) dont ils savent la présence en ce lieu. Tueur qui n’est autre que ce gentil papa (Josh Hartnett, génial, permettant au film d’éviter l’accident industriel) qui va tout mettre en œuvre pour s’échapper de ce traquenard. Un jeu du chat et de la souris commence, où la roublardise et l’inventivité du tueur vont constamment s’opposer à la technicité et à la supériorité (numérique seulement, parce que sinon ils ont l’air tellement neuneu…) de la police.

Ça, c’est sur le papier. Ça, ça faisait rêver, avec en sus la petite touche schyzo qui fait triper puisque nous nous régalons à savoir si un tueur sadique va (et surtout comment) s’en sortir. À l’écran en revanche, c’est raté. Trap aurait pu être une sorte de grand film passionnant et théorique à la manière du Snake eyes  de Brian De Palma avec investissement d’un lieu clos questionnant la symbolique des images et suspens narratif construit autour d’un thème dont on pourra, éventuellement, dire qu’il s’inscrit dans l’histoire traumatique de l’Amérique : assassinat politique dans Snake eyes renvoyant à Kennedy, traque d’un serial killer dans Trap dont l’Amérique, en la matière, a été l’une des pionnières (voir la série Mindhunter). Bref. Mais Shyamalan, lui, n’en fait rien d’autre qu’un divertissement lambda sans âme, sans tension et sans génie, avec au compteur pas mal d’invraisemblances. Trop d’ailleurs pour que l’on puisse adhérer totalement à cette partie de cache-cache géante.

Cela dépendra également du degré d’acceptation, de lâcher-prise du spectateur. D’être ou de ne pas être trop regardant sur de nombreux points scénaristiques parfois à la limite du foutage de gueule (et sur l’aspect fun donné à tout ça aux dépens d’une plongée horrifique dans l’esprit d’un tueur tournant à plein régime parce que soudain pris au piège), en particulier lors de l’enchaînement final de situations tellement improbables qu’on en vient à définitivement lâcher l’affaire. Et en décidant, dans la deuxième partie, de déplacer l’action dans la maison de Cooper et de sa famille (ne pas vouloir le révéler dans la bande-annonce est évidemment compréhensible mais, en l’état, on a davantage l’impression d’une tromperie sur la marchandise), Shyamalan termine de saboter entièrement son film.

Comment ? En livrant un pseudo duel psychologique entre le tueur et la pop star qui n’explore jamais la personnalité trouble de Cooper (père de famille aimant vs psycho killer) et ses relations avec sa fille qui, elle, semble accepter plutôt bien la face cachée de son père alors qu’elle révèle, brutalement, la dualité monstrueuse du rêve américain en faisant voler en éclats la sacro-sainte america familia (mais ça aussi, Shyamalan l’aborde de façon superficielle…). Surtout, Shyamalan créé un magnifique personnage de redoutable profileuse, véritable Némésis de Cooper, pour in fine ne pas en faire grand-chose (quand Shyamalan met en avant celui, insipide, de Lady Raven joué par… sa fille), ne même pas envisager une réelle confrontation entre elle et Cooper (c’est à peine si leurs regards se croisent). Et puis la dernière scène montre Adams bien parti pour rejoindre la petite galaxie des méchants shyamalaniens (après Price et Crumb) qui, à n’en pas douter, aura droit à sa suite. Mais face à ce Trap si peu enthousiasmant, qui s’en soucie vraiment ?
 

M. Night Shyamalan sur SEUIL CRITIQUE(S) : Phénomènes, Split, Glass.

Trap
Tag(s) : #Films

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