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Megalopolis

Megalopolis, à la base, c’est quoi ? C’est quoi ce truc qui a fait baver les cinéphiles de tout poil pendant des années ? On résume : projet de toute une vie pour Coppola qui date de quarante ans, projet reporté, abandonné, oublié, relancé, libéré, budget monstrueux qui a vu Coppola s’endetter pour financer son film, tournage chaotique tel un écho à celui d’Apocalypse now et, cerise sur le gâteau, accueil mouvementé à Cannes où le film a sérieusement divisé les critiques du monde entier. Megalopolis donc, c’est ça. Et puis c’est ce que l’on découvre, enfin, à l’écran, avec ce désir fou aiguisé par tant d’années d’attente. Désir fou parce que c’est Coppola (qui n’avait rien réalisé depuis Twixt en 2012), parce que c’est une légende du septième art à lui tout seul, parce que c’est Le parrain, parce que c’est Apocalypse now, parce que c’est un film de dingue, parce que c’est New York, Adam Driver, Giancarlo Esposito, le retour de Shia LaBeouf. Parce que c’est tout ça.

Mais tout ça pour quoi, en vérité ? Pour un gros pâté informe et indigeste qui entend offrir, c’est le gros morceau du film, une utopie de la ville à travers celle de New York et de la Rome antique (et inspirée en partie de la conjuration de Catilina). Mais pas que. Car Megalopolis parlera aussi d’art, de cinéma, de Coppola himself, de politique, de capitalisme, de pouvoir du temps (que le personnage principal peut arrêter s’il le veut, particularité dont Coppola ne tirera finalement pas grand-chose), de notre civilisation moribonde, de l’avenir de l’humanité et de changement climatique, et puis d’autres sujets encore, noyés dans la masse de la masse. D’un point de vue scénaristique, Megalopolis est une horreur. Un amas confus d’idées, de pistes, de réflexions, de théories et d’enjeux qui, jamais, ne parviennent à construire un récit cohérent autour de cette quête de la renaissance après le déclin, du meilleur de nous après nos vices proclamés.

Le problème n’est pas que l’on ne comprenne pas grand-chose aux pensées poussives et désordonnées de Coppola (qui rêve d’un monde meilleur où on se tiendrait tous par la main et où tout le monde irait gambader dans les parcs et où le pouvoir des fleurs sauverait notre urbanité et où l’amour serait plus fort que tout), mais bien que l’on reste totalement extérieur à son délire XXL à force d’intrigues jetées en vrac, de personnages peu attachants, ou pas intéressants, ou jamais fascinants (tous les acteurs semblent d’ailleurs livrés à eux-mêmes), et d’intentions neuneu-philosophiques niveau école primaire. Il faut voir la représentation, idyllique, de la cité du futur que nous balance Coppola en apothéose finale, d’une laideur et d’une banalité absolues, et qu’on dirait inspirée d’un brainstorming en mode greenwashing du service com de TotalEnergies.

L’inventivité visuelle de la mise en scène (qui toutefois souffre d’un rythme plus que laborieux) n’est pas à remettre en question (encore que certains effets, et leur rendu, laissent à désirer) : c’est bien sur le fond, surchargé, macéré pendant des années jusqu’à en devenir daté, gâté (gâteux ?), et dans ses (trop) nombreux interstices narratifs que Megalopolis se ramasse en beauté. Un grand geste artistique, comme on dit, excessif et téméraire certes, mais qui a oublié où il allait, ce qu’il avait à dire (et comment nous le dire) et de se réinventer avec le temps qui a passé, comme si, quarante ans après, le film n’avait pas évolué d’un iota, n’était toujours pas fini dans la tête de Coppola qui, pourtant, s’est entêté à vouloir le concrétiser sur grand écran.


Francis Ford Coppola sur SEUIL CRITIQUE(S) : Apocalypse now.

Megalopolis
Tag(s) : #Films, #Cannes 2024

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