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Santosh

En découvrant Santosh, on comprend que Sandhya Suri vienne du documentaire tant son premier long-métrage de fiction brille par son sens aiguisé de l’observation, par un naturalisme âpre (caméra à l’épaule, rares embardées stylistiques, pas de musique…) qui, peut-être, manquera de singularité, mais qui saura offrir quelques moments davantage tournés vers l’émotion, la tension, et même l’effroi (voir la longue scène de "l’interrogatoire", éprouvante). En suivant au pas son héroïne, jeune femme qui, après la mort de son mari policier et rejetée par sa belle-famille, devient à son tour policière grâce à un décret gouvernemental, Suri filme le tableau sans concession d’une Inde où la justice, la morale et même l’existence semblent ne rien peser dans la société, n’être qu’accessoires, des détails.

À travers le cheminement de Santosh, dans son acceptation du deuil, dans son émancipation et ses prises de conscience, Suri sonde la réalité brutale de son pays sans jamais forcer le trait, avec une simple évidence, presque par petites touches. Réalité face à laquelle les personnages du film font avec, sans chercher vraiment à faire bouger les lignes (si ce n’est celle des violences faites aux femmes, quitte à brouiller les frontières entre séduction et harcèlement). Celui de Sharma par exemple, la supérieure de Santosh, est de ce point de vue très intéressant, connaissant les béances du tissu social indien, mais les intégrant dans son quotidien et dans son travail. Même pas avec fatalité, seulement avec pragmatisme (et tant pis pour les remords).

On sent en revanche Suri beaucoup moins à l’aise dans la partie enquête du film (une jeune fille est retrouvée morte au fond du puits d’un village), pas toujours bien menée, parfois démonstrative et souffrant de plusieurs maladresses narratives (Santosh par exemple qui, par le plus grand des hasards, se fait carrément frôler par le suspect qu’elle est censée retrouver dans une ville grouillante de monde : la ficelle est un peu grosse). Pas grave. Santosh demeure le réquisitoire implacable et fort d’une Inde peu disposée au progrès social. Police, droit des femmes, système de castes, intolérance religieuse, pauvreté, illettrisme, inégalités, corruption, abus de pouvoir : rien ne va. Seule à la fin, en paix avec elle-même dans un train s’enfonçant dans la nuit, Santosh paraît être une lumière dans ce "théâtre obscur" (ce sont les mots de Suri) qu’est son pays.

Santosh
Tag(s) : #Films, #Cannes 2024

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