C'est un manifeste. C'est un jalon cinématographique d'une si grande puissance métaphysique et qui creuse au plus profond d'une réflexion hallucinatoire sur l'Homme. En plus d'être un film-somme, 2001 aborde en entier l'avenir humain et son passé, sa mémoire et sa destinée. Le film suggère une renaissance, supérieure à la précédente, celle d'un homme nouveau et supra intelligent (Dieu ?). C'est aussi une énigme de la présence, esthétique et philosophique, et une autre encore, si loin de nous, celle peut-être d'un étrange monolithe, d'un quelque chose de divin, quintessence d'une force supérieure qui préside au commencement et à la fin, d'une force primitive aussi qui renverrait l'homme à ses origines (l'homme de l'avenir, devenu vieux, voit ressurgir son passé et, en proie à une série de dédoublements, renaît à l'infini).
Et puis il y a la présence de HAL aussi, cet ordinateur qui ne veut pas mourir, présence trop encombrante, trop humaine qu'on préfère soudain l'anéantir. Son combat, sa rébellion contre le gêne humain, trahit son rêve de contrôle d'un avenir indécidable. Son pouvoir semble sans limite, sa fonction de pensée reste floue, c'est une machine qui, finalement, annihile les frontières et les clivages. Sa lobotomie résonne comme une mise à mort, un meurtre, peut-être le tout dernier de l'humanité, quand le premier se déroula à son aube où un primate hirsute, curieux de ce qui allait se préparer, découvrit alors l'usage d'une arme et s'en servit pour tuer.
Stanley Kubrick sur SEUIL CRITIQUE(S) : Orange mécanique.