Il y a eu Buster Keaton, les Marx Brothers, John Landis, les frères Farelly, et puis maintenant il y a Judd Apatow, devenu le néo-chantre de la comédie américaine avec 40 ans, toujours puceau et En cloque, mode d’emploi (et producteur aussi de SuperGrave, Sans Sarah rien ne va ou encore le hit Mes meilleures amies…). Super Apatow revient à la réalisation, après Funny people en 2009, avec deux personnages déjà présents dans En cloque, mode d’emploi, Pete et Debbie. En cloque narrait les affres du passage à l’âge adulte, quand 40 ans s’attache à dépeindre, sans grâce et pendant plus de deux heures, les nombreux atermoiements d’une quarantaine rutilante.
Connaissant la plus ou moins fine patte d’écriture d’Apatow, on pouvait s’attendre à du rock’n’roll, à du brillant, sauf qu’en fait non, pas vraiment. Jamais pertinent, inégal, pépère, le scénario enfile à la chaîne les lieux communs sur le couple avec vingt ans de vie commune et deux filles au compteur. Les années qui passent, les habitudes, la routine, le désir en berne, les problèmes de fric… Toutes les figures imposées y passent. Il y a bien quelques séquences sympathiques (la scène de confrontation, irrésistible, entre Jason Siegel et Chris O’Dowd pour les beaux… yeux de Megan Fox, Melissa McCarthy en plein pétage de plombs), quelques dialogues bien sentis et quelques répliques cinglantes qui font mouche parfois, mais ensevelis la plupart du temps sous une grosse couche de politiquement correct.
Qu’importe alors les "Fuck!" déclamés toutes les cinq minutes pour faire genre, qu’importe aussi les références à une certaine culture populaire (Lost en particulier), parce que le film est décevant jusqu’à son dénouement doux sucré et gnangnan sur la reconquête du couple et de la famille, inébranlable valeur morale même en période de crise. Beurk. Apatow veut se la jouer adulte et sérieux tout en préservant sa fibre humoristique, mais 40 ans : mode d’emploi reste finalement assez plat et consensuel, à l’image d’un rythme et d’une mise en scène plus proches d’une sitcom passe-partout que d’un véritable exercice de brio comique.
Si Paul Rudd parvient à rendre attachant son personnage de gentil mari un peu con (on pense souvent à Phil dans Modern family), Leslie Mann en revanche (madame Apatow in the privé) finit par très vite agacer avec ses mimiques, ses minauderies et ses pics aigus dans la voix. Apatow, marié et deux enfants lui aussi, confond banalités existentielles et sens de la vie conjugale, wasp à mort et mort aux clichés, et semble avoir perdu tout le sel, toute la gaillardise qui le caractérisaient avant, ringardisé d’un coup par l’humour geek et décomplexé de Seth MacFarlane, nouveau trublion du comique US (officiellement intronisé, puis bêtement décrié, lors de la dernière cérémonie des Oscars) qui, on l’espère vite, saura confirmer la bonne poilade qu’a été son Ted.